Bof.
« Trois jours et trois nuits » est une lecture pour ascète de la littérature. L’avantage du pot-pourri musical sur ce qui est proposé est dans les transitions, ce moment de roulis imperceptible, lorsque l’on ne sait plus qui a engendré ce que l’on entend, du compositeur précédent, du suivant ou du père qui accouche sous x pour agrandir la famille. Ici, l’on se croit au rayon peinture d’une grande surface de bricolage, là où l’on vous expose côte à côte le vermillon avec le vert olive ou le bleu de Berlin. Cet échantillonnage des styles de quelques noms à la mode a un avantage : permettre à ceux qui passent leur vie à débusquer les talents de demain de savoir vers quel auteur se tourner pour se délasser de leur quête.
Par ailleurs, certes on n’attendait pas de ces derniers des ouvrages de théologie ou de spiritualité, mais la déception est cependant certaine : on n’apprend que le minimum syndical au sujet de l’abbaye de Lagrasse, saint Augustin ou ses chanoines (sans compter ses chanoinesses) et à peine plus quant à l’effet provoqué chez ces pensionnaires de quelques jours. Il est, de ce point de vue, paradoxal de noter que – hormis la préface et la postface, très intéressantes – ce sont ceux qui s’avouent mécréants, athées ou agnostiques qui se livrent le plus. Pour les autres, on a droit à la légende dorée de la fondation de l’abbaye, la comparaison entre les moines et les soldats (merci, on était au courant depuis les Templiers) ou un exposé d’érudition, quand ce n’est pas à un pamphlet sur tout qui fout le camp, ma bonne dame, et c’est la faute à la messe en français (à noter qu’en l’an 867 le pape Adrien II – contre l’avis de ceux qui disaient que la liturgie ne pouvait se dire qu’en hébreu, latin ou grec – l’a autorisée en langue slave , pour laquelle saint Cyrille venait de créer un alphabet, et ce sans que ces chrétiens-là fussent plus décadents que leurs frères occidentaux)*.
C’est dommage tant il est banal de constater qu’il se passe des choses surprenantes dans les enceintes sacrées. Ainsi est-il arrivé à l’auteur de ces lignes d’assister, à l’abbaye de Landévénnec, à un débat entre des responsables scouts d’Europe et de France – c’était à la fin des années 70, en pleine crise Lefebvriste – et de les entendre être d’accord sur presque tout ou noter leurs différences sans agressivité ! Ceux qui ont connu ce contexte apprécieront l’étendue du miracle… Que chacun ait sa pudeur est compréhensible, mais pourquoi accepter ce séjour sachant que l’on devra écrire et se cacher ensuite derrière son petit doigt ?
Pierre FRANÇOIS
« Trois jours et trois nuits », de Pascal Bruckner, Sylvain Tesson, Camille Pascal, Jean-René Van Der Plaetsen, Frédéric Beigbeider, Jean-Paul Enthoven, Jean-Marie Rouart, Franz-Olivier Giesbert, Sébastion Lapaque, Thibault de Montaigu, Louis-Henri de la Rochefoucauld, Boualem Sansal, Simon Liberati, Xavier Darcos. Préface de Nicolas Diat. Postface du père Emmanuel-Marie Le Fébure du Bus. Librairie Arthème Fayard / Editions Julliard. ISBN : 978-2-260-05523-5.
*Sans doute y a-t-il quelques oublis dans cette énumération, dus au fait que ce livre est tombé des mains plusieurs fois avant d’être achevé.