Hypnotique et magnifique.
« Ménélas Rebétiko Rapsodie » est, selon que l’on reste dans l’actualité ou que l’on se projette, le premier volet d’un diptyque ou d’un triptyque. Le second étant « Hélène après la chute » et la suite en préparation.
Il y a des spectacles – musicaux en l’espèce – qui marquent tant leur public que, dix ans après, les émotions vécues lors de la première écoute reviennent, intactes. « Ménélas », qui avait été joué au « Grand parquet » en 2013, est de ceux-là.
De quoi s’agit-il ? D’une introspection poétique et musicale de Ménélas qui résiste à la tentation de la haine (et de la guerre) après qu’Hélène, son épouse, a fui avec Pâris. La scénographie, aussi sobre que significative de la solitude du héros, sait mettre en valeur, par effet de contraste, le lyrisme du récit. Le comédien, ombre noire, mort-vivant, lorsqu’il passe de la déclamation accompagnée de guitare et bouzouki à la danse, sait évoquer sa dérive et son désespoir. On le voit alors comme un navire qui tente de jeter l’ancre pour se stabiliser, sauf que cette dernière n’accroche pas sur le fond. À un autre moment, la danse deviendra langage d’offrande. Et si la rythmique du poème reste toujours aussi hypnotique, au risque parfois du décrochage pour le spectateur, la tonalité du propos évoque tantôt le procureur, tantôt le souvenir doux, voire l’érotisme.
La façon dont le comédien et les musiciens savent entretenir une atmosphère de désespoir à travers des humeurs diverses est remarquable.
Et, puisqu’il est question de diptyque, il serait dommage de ne pas évoquer « Hélène après la chute », surtout dans la mesure où ces deux pièces sont données à la suite à l’Épée de bois.
Cet épisode, on s’en doute, est celui des retrouvailles de Ménélas entré dans Troie et qui fait face à Hélène captive dans la chambre qu’elle partageait jusqu’à la veille avec Pâris.
Le thème, ici, est celui de l’interrogation. Comment deux univers aussi différents, comment des conditions sociales désormais aussi contrastées, vont-ils pouvoir dialoguer ? Là aussi, l’auteur sait nous emmener dans les méandres et les replis des consciences telles qu’elles s’expriment, s’ignorent, se défient, se comprennent parfois… Là aussi, la musique – à présent arménienne et non plus grecque – et la poésie jouent un rôle majeur. On sort de là aussi abasourdi qu’heureux.
Pierre FRANÇOIS
« Ménélas Rebétiko Rapsodie », de Simon Abkarian. Collaboration artistique : Pierre Ziadé. Collaboration musicale : Natasha Koutroumpa. Avec : Simon Abkarian, Grigoris Vasilas (chant et bouzouki), Kostas Tsekouras (guitare). Lumières : Jean-Michel Bauer. Durée du spectacle : 1 h 15.
Du mercredi au vendredi à 19 h, samedi à 18 h, suivi d’une soirée musicale avec invités surprises à l’issue d’« Hélène après la chute ». Dimanche à 14 h 30, suivi d’une soirée musicale avec invités surprises à l’issue d’« Hélène après la chute » jusqu’au 3 novembre 2024 à L’Épée de bois, Cartoucherie, route du champ de manœuvre, 75012 Paris. Métro Château de Vincennes puis bus 112, arrêt « Cartoucherie »; Tél. : 01 48 08 39 74. https://www.epeedebois.com/un-spectacle/menelas-rebetiko-rapsodie/
« Hélène après la chute », de Simon Abkarian. Collaboration artistique : Pierre Ziadé. Avec : Aurore Frémont, Brontis Jodorowsky, Macha Ghabirian (piano, chant). Musique originale : Macha Ghabirian. Lumières : Jean-Michel Bauer. Son : Orian Arrachart. Durée du spectacle : 1 h 20.
Du mercredi au vendredi à 21 h, samedi à 20 h, suivi d’une soirée musicale avec invités surprises à l’issue d’« Hélène après la chute ». Dimanche à 16 h 30, suivi d’une soirée musicale avec invités surprises à l’issue d’« Hélène après la chute » jusqu’au 3 novembre 2024 à L’Épée de bois, Cartoucherie, route du champ de manœuvre, 75012 Paris. Métro Château de Vincennes puis bus 112, arrêt « Cartoucherie »; Tél. : 01 48 08 39 74. https://www.epeedebois.com/un-spectacle/helene-apres-la-chute/
Photo : Pierre François