Spectacle musical : « Anne Baquet, soprano en liberté » au Lucernaire, à Paris.

Rire déjanté.
« Anne Baquet, soprano en liberté » se définit comme un « récital inclassable pour fins gourmets ». C’est bien cela, à cette nuance près que ceux qui se délecteront le plus sont les familiers de l’humour déjanté anglais. Le spectacle commence accélérateur au plancher dans ce genre : la première chanson est la complainte, sur le mode progressif popularisé par « Tout va bien Madame la Marquise », d’une petite fille qui reproche à sa grand-mère d’avoir tué papy parce qu’il l’avait battue… aux dominos, puis d’avoir eu l’idée saugrenue de le découper en morceaux et enfin de l’avoir mangé seule, sans partager avec ses petits-enfants, ce qui leur aurait permis de dire combien ils l’appréciaient… avec des pruneaux et petits oignons. Dans un genre légèrement différent, une chanson sur l’inspecteur Derrick nous invite à déduire que nous sommes tous des monstres sur le modèle du Dr Jekyll et de Mr Hyde.
Mais il n’y a pas que cela. Les amoureux de musique classique se tordent littéralement de rire en voyant et écoutant le pastiche de diva sur l’air de « Ah, je veux vivre » de Charles Gounod. On tient là un grand moment, que l’on sent mis au point avec amour et précision, une précision égale à celle de la façon dont elle module sa voix. Ceci juste après un prélude en sol majeur n° 5 de Rachmaninov qui donne bien le ton de la séquence qui va suivre…
Même la chanson coquine – de Philippe Decamp sur un air de Frédéric Chopin – qui se termine par « et voici comment la vertu versa dans le vice et vice-versa » est d’une grivoiserie si bien balancée qu’elle fait glousser de rire le public féminin. 
Et puis il y a tous les autres, si l’on ose s’exprimer ainsi, de François Morel, qui signe trois chansons à lui seul, à Juliette en passant par Thierry Escaich et tant d’autres dont John Lennon et Freddy Mercury. Tandis que sept des vingt airs sont arrangés par Jérôme Charles.
En pleine canicule de juillet, la salle est pleine, un signe qui ne trompe pas. On le comprend d’autant plus facilement que, comme d’habitude, son spectacle bénéficie d’une vraie mise en scène (avec de temps en temps le petit geste qui transforme une ambiance ou le clin d’œil complice au public), de dialogues – muets ou non – avec son pianiste, d’un éclairage millimétré et parfaitement dosé et enfin de costumes baroques qui sont des décors à eux seuls. Ceux qui connaissent déjà Anne Baquet seront heureux de cette nouvelle mouture, pour les autres c’est le moment de la découvrir.
Pierre FRANÇOIS
« Anne Baquet, soprano en liberté », avec Anne Baquet (chant) et Claude Collet ou Christophe Henry ou Grégoire Baumberger (piano). Mise en scène : Anne-Marie Gros. Du mercredi au samedi à 21 heures, dimanche à 19 heures jusqu’au 27 août au Lucernaire, 53, rue Notre-Dame-des-champs, 75006 Paris, tél. 01 45 44 57 34, www.lucernaire.com

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