Théâtre : « Une saison de machettes », récits recueillis par Jean Hatzfeld au théâtre de L’Épée de bois, à Paris.

L’absurdité du mal.
« Une saison de machettes » est d’autant plus terrifiant que le spectacle est bien joué ! Sa sobriété est exemplaire, tant dans la mise en scène que dans le jeu ou le texte. De fait, pas de détails sanglants, quoiqu’il s’agisse d’un récit concret à plusieurs voix. La pièce aborde d’emblée la question de la mort, de sa quotidienneté et de l’indifférence dans laquelle elle est donnée. Au fil des témoignages, on apprend comment il est plus facile de tuer quand c’est ordonné par une autorité, comment les épouses n’ont jamais protesté contre le viol des victimes ou protégé leurs enfants, comment les victimes n’étaient pas considérées comme humaines, comment « tuer ne fait rien », comment « tout le monde était sauvage », comment cette occupation a correspondu à une vie plus aisée, comment partir « couper » pouvait être vécu comme épuisant et ennuyeux, comment Dieu et la prière étaient complètement évacués… La question du pardon arrive comme pour couronner le récit, avec des témoignages contrastés selon la personne que l’on considère.
Ce récit factuel ouvre à l’analyse en même temps qu’il défie toutes les lois de la vie en société. Quelques morceaux de musique, graves et lents, le ponctuent. La référence à Annah Arendt s’impose, certes, mais n’explique rien. Par contre, le spectacle évoque plusieurs fois la révolution rwandaise (1959-1961) et les plaisanteries ethniques pour dire combien ce qui s’est déclenché à l’occasion de l’assassinat du président en 1994 était en germe depuis très longtemps. Enfin, ce spectacle, et ce n’est pas le moindre de ses mérites, respecte le parler des témoins sans lui ôter sa dignité.
Pierre FRANÇOIS
« Une saison de machettes », récits recueillis par Jean Hatzfeld. Avec Céline Bothorel, Maïa Laiter, Omar Mounir Alaoui, Tadié Tuéné. Musique : Yves Rousseau (contrebasse). Lumières : Philippe Lacombe. Jeudi et vendredi à 21 heures, samedi à 16 h 30 et 21 heures, dimanche à 16 h 30 jusqu’au 12 mai au théâtre de L’Épée de bois, Cartoucherie, route du champ de manœuvre, 75012 Paris, tél. 01 48 08 39 74, https://www.epeedebois.com/un-spectacle/une-saison-de-machettes/

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