Théâtre : « Pardonne-moi de me trahir », de Nelson Rodrigues, trad. Thomas Quillardet, au théâtre Les Déchargeurs, à Paris.

Transmission et perversité.
« Pardonne-moi de me trahir » est une pièce sur l’obsession, la transmission et la perversité. Autrement dit, une tragédie moderne mettant en scène des personnages prisonniers de leurs désirs inconscients, en souffrance et voulant vainement s’en libérer.
Son langage, loin de l’élégance de l’alexandrin, s’enracine dans les détresses quotidiennes dont l’auteur – journaliste ayant exercé à la rubrique des chiens écrasés – a été le spectateur. Réalisant cela, on revit la chair de poule provoquée par la pièce.
Une pièce qui remue l’âme. Le jeu, et encore plus les situations, sont d’une véracité parfaite alors pourtant que les effets théâtraux (notamment de lumière et d’apparition-disparition derrière un voile noir) ne se cachent pas.
C’est que la mise en scène possède le public, au sens fort du verbe puisque ce qui est ici décrit détient une face diabolique : celle de nos pulsions de mort qui nous poussent à nous mentir à nous-mêmes au point de ne pas croire la vérité de l’autre et de vouloir se voir purs au milieu d’un monde dépravé. Alors que c’est l’inverse…
Inverse qui incite à la transmission secrète des instincts de survie à travers le modèle de la mère ou des perversions à travers celui du frère dans une atmosphère familiale marquée par le sceau des silences mortifères.
Cette jeune troupe interprète magnifiquement ce spectacle d’un des maîtres du théâtre brésilien. Dans une société qui de nouveau invoque des valeurs invivables, il est nécessaire de le voir pour mieux exorciser les démons de l’impossible perfection.
Pierre FRANÇOIS
« Pardonne-moi de me trahir », de Nelson Rodrigues, trad. Thomas Quillardet, Angela Leite Lopes. Avec Alexandre Agostinho, Louise Cassin, Margot Cauvet, Zoé Faucher, Pierre Ophèle-Bonicel. Mise en scène et costumes : Louise Robert, assistée de Camille Bagland. Lumières : Gilles Robert. Du dimanche au mardi à 21 h 15 jusqu’au 24 mai au théâtre Les Déchargeurs, 3, rue des déchargeurs, 75001 Paris, tél. 01 42 36 00 02, https://www.lesdechargeurs.fr/spectacles/pardonne-moi-de-me-trahir/. Métro Châtelet, sortie rue de Rivoli nos pairs ou Rue Bertin Poirée ; RER Châtelet-les-Halles, sortie Porte Berger.

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