Théâtre : « Le Maître de Santiago », d’Henry de Montherlant au Théâtre du Nord-Ouest, à Paris.

Le sabre et le goupillon.
Depuis combien de temps « Le Maître de Santiago » se joue-t-il au théâtre du Nord-Ouest ? Même là-bas, on ne le sait pas, tant il y a longtemps ? Sûrement plus longtemps que « Racine par la racine » à l’Essaïon, qui en est à sa sept-centième représentation.
Il n’y a rien à dire sur le jeu, qui est plus qu’au point ! On croit autant à l’authenticité des personnages qu’à la parcelle de vérité que chacun porte. D’ailleurs, le public ne s’y trompe pas, qui est au rendez-vous. Ne se trompe-t-il pas, par contre, quant au christianisme – ou plutôt au jansénisme exacerbé qui se fait passer pour tel – véhiculé par la pièce ? Nul ne sonde les reins et les cœurs… N’est-ce pas cependant la règle de cet ordre – qui a existé – approuvée par le pape Alexandre III qui énonçait que « Vous vivrez sans bien propres dans l’humilité et la concorde en obéissant à un maître, en suivant l’exemple des apôtres qui pour prêcher la foi chrétienne vendaient leur bien et ce qui restait était considéré comme commun. » ? Il y a donc – ce n’est pas nouveau – la règle et la façon dont elle est interprétée, vécue…
Jean-Luc Jeener est le premier à dire que ce spectacle n’a rien de chrétien, même si Montherlant le croyait. De fait, la vigueur et l’ivresse du dépassement propre à ses personnages le rapprochent plus d’un Saint-Exupéry que d’un Bernanos. Mais au-delà de l’idée, il y a l’art, et il considère que l’écriture de celui qui fut lauréat du Grand prix de littérature de l’Académie française en 1934 est injustement oubliée. C’est pourquoi il le joue avec tant de constance.
Voir « Le Maître de Santiago » est une expérience qu’il faut avoir vécu. On y retrouve tant d’enjeux – l’obéissance contre l’autonomie, la pauvreté évangélique contre le réalisme social… – qui sont encore d’actualité. Et, surtout, on s’y délecte d’une langue riche et variée, littéraire pour le dire d’un mot, jouée par des comédiens qui connaissent toutes les nuances de leurs rôles sur le bout des doigts.
Pierre FRANÇOIS
« Le Maître de Santiago », d’Henry de Montherlant. Avec : Enzo Berthinier, Rémi de Monvel, Didier Bizet, Richard Fériot, Rui Ferreira, Claude Gentholz, Pascal Guignard-Cordelier, Geneviève Jadot, Jean-Luc Jeener, Alfred Luciani, Alexandre de Pardailhan, Coralie Salonne. Mise en scène, lumières et décor : Patrice Le Cadre. Costumes : Catherine Lainard. Durée : 3 heures. Jeudi 14 avril et 12 mai à 20 h 30 (grande salle) au Théâtre du Nord-Ouest, 13, rue du Faubourg Montmartre 75009, Paris, tél. 01 47 70 32 75, https://www.theatredunordouest.com/, métro Bourse, Le Peletier, Grands Boulevards.

Photo : Pierre François.

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