De Charybde en Scylla.
« Et moi et le silence » n’est peut-être pas la pièce du siècle, mais est porteuse d’une vérité trop souvent intellectualisée, autrement dit anesthésiée.
La prison peut-elle être un refuge pour un couple lesbien blanc-afro-américain ? Telle est la question inévitable à la vue du sort de ces deux jeunes filles lorsqu’elles se retrouvent libres dans un contexte de ségrégation raciale autant que sexuelle. La mise en scène alterne ces deux moments de vie et, si la façon dont sont traitées les transitions crée des ruptures dans l’incarnation des personnages, l’on croit pourtant autant à eux qu’aux situations.
Le décor identique pour les deux périodes montre de manière exemplaire combien la misère est la même. L’énergie – alternativement de l’espoir et du désespoir – est aussi la même. Seul, le jeu des relations avec autrui change et modifie leur vie pour en faire une tragédie.
Un amour discret qui éclot, se cherche puis se construit, des caractères différents qui se complètent, des blessures aussi personnelles qu’impartageables : on a là tous les éléments du drame, qui ne manque pas d’arriver. L’action se situe dans les années cinquante aux États-Unis, qu’en serait-il aujourd’hui ici ?
Pierre FRANÇOIS
« Et moi et le silence », de Naomi Wallace. Traduction : Dominique Hollier. Mise en scène : René Loyon. Avec : Sarah Labrin, Morgane Réal, Roxanne Roux, Juliette Speck. Lumières : Laurent Castaingt. Costumes : Nathalie Martella. Dramaturgie : Laurence Campet. Scénographie : Nicolas Sire. Musique : Pablo Rapaport. Régie : François Sinapi. Du jeudi au samedi à 21 heures, samedi et dimanche à 16 h 30 jusqu’au 20 mars à l’Épée de bois, Cartoucherie, route du champ de manœuvre, 75012 Paris, tél. 01 48 08 39 74, bus 112 arrêt Cartoucherie, https://www.epeedebois.com/un-spectacle/et-moi-et-le-silence/
Photo : Pierre François.