Ce jour et demain, 25 heures de direct en provenance de toute la francophonie sur tv5monde. Chaque heure depuis une destination différente. Faute de pouvoir y participer, au moins saluons cette initiative. En publiant, par exemple, le compte rendu de cette conférence de presse organisée à Paris il y a quelques mois par une association qui dresse un bilan en demi-teinte de l’état du français en France.
Il y a quelques temps, une conférence de presse organisée par deux associations de promotion de la langue française – Avenir de la langue française et Courriel – faisait le point sur les influences respectives du français et de l'anglais dans notre pays.
Le constat n'est pas aussi désespéré que d'aucun veulent bien le croire.
Si nos « élites »s'obstinent dans un snobisme qui va finir par tuer la langue de Shakespeare et de l'Oncle Sam (dont les concitoyens comprennent de moins en moins ce que les pratiquants du globish se racontent, mais peu importe puisque ces derniers, eux, se comprennent entre eux), on note des réactions souvent symboliques et peu relayées, mais non moins réelles.
Ainsi les uns ont demandé que l'anglais ne soit plus utilisé par la Communauté européenne, le seul pays qui ait cet idiome comme langue officielle – Malte avait adopté le maltais, Chypre le grec et l'Irlande le gaélique – en étant sorti. Mais on connaît le mépris de la Commission pour ceux qui ne sont pas de son sérail et sa vivacité à violer les règles européennes…
Le second paradoxe est assez savoureux. Le Comité de candidature de la ville de Paris aux J. O. de 2024 dévoilait le 2 mars dernier le slogan « Made for sharing » qui lui a valu un recours devant le tribunal administratif de la part de l'association Afrav. Mais qu'importe, quelques mois plus tard, la ville de Paris affichait sur la tour Eiffel « Paris is on air » (nettement plus hermétique que, par exemple, « envoyez vous en l'air avec (plutôt que « à », quand même, la réputation de la France n'est pas à souligner à ce point) Paris ».
Pendant ce temps, que faisait Los Angeles pour convaincre les jeux de prendre pied chez elle ? Le comité américain explique le plus sérieusement du monde vouloir veiller « à la présence de bénévoles francophones qui apporteront un soutien linguistique aux athlètes et autres participants et leur feront se sentir comme chez eux. ». et d'ajouter : « Nous nous engageons également à rendre hommage, tout au long de l'Olympiade culturelle, aux influences francophones sur la culture américaine et internationale. ».
Veut-on encore un exemple qui montre combien les snobs qui nous dirigent – par compétence technique ou par jeu d'influence – « n'en ont pas », selon l'expression connue de tous ? La loi Fioraso prévoyait au stade du projet des formations diplômantes entièrement en anglais en France. Mais , grâce aux amendements déposés par les députés, c'est interdit. Qu'importe elle est violée par les ministères qui accréditent des enseignements illégaux. Avec la bénédiction de certains tribunaux administratifs dont on se demande s’ils n'ont pas cédé à quelque pression.
Pendant ce temps, la Cour constitutionnelle italienne a fait droit à la requête de ceux qui s’opposaient à la décision de l’école Politecnico di Milano de professer en anglais à partir du niveau du master. Sans commentaire superflu.
Mais rien ne ralentit le masochisme franco-français, même pas le ridicule. Non content d'offrir sur un plateau des gains de productivité aux compagnies anglophones (qui n'ont pas à embaucher de traducteur), certains décideurs s'obstinent à créer chez leurs salariés une souffrance au travail (avec ce que cela entraîne en termes de stress et d'arrêts maladie) en les obligeant à utiliser une langue mal maîtrisée (et l'épisode de l'hôpital d’Épinal n'est malheureusement qu'un exemple médiatisé au milieu de bien d'autres qui, heureusement, n'ont pas eu de conséquences aussi graves).
Les signes d'espoir existent néanmoins.
Lors des récentes élections présidentielles, trois candidats (MM. Asselineau, Dupont-Aignan et Mélenchon) ont accepté de signer les 14 propositions d'engagement présentées par plusieurs associations de promotion de notre langue. Lesquelles concernaient des domaines aussi variés que le fait de réserver l'attribution de subventions par la France à des organismes s'exprimant en français, renforcer son enseignement au lieu d'en diminuer les heures de cours ou faire respecter l'usage du français dans les instances internationales où il est langue de travail (concernant le président élu, on rappelle pour mémoire qu'en janvier 2017, à l'université de Berlin, il prononçait un discours en anglais).
Par ailleurs, pour contrecarrer le projet de loi Fioraso, 32 associations ont dès 2012 lancé une campagne « Communes pour la langue française » – en fait un référendum d'initiative populaire qui ne disait pas son nom – sur le fondement d'un manifeste signé par des maires ou conseils municipaux de villes (n'appartenant pas déjà à l'Association internationale des maires francophones fondée par J. Chirac alors maire de Paris et M. Pelletier alors maire de Québec, laquelle opère déjà au sein de l'O. I. F., raison pour laquelle on ne trouve pas de grandes métropoles parmi les signataires du manifeste). Non seulement cette démarche a été adoptée par le Québec et la Wallonie à partir de 2015, mais elle rencontre un certain succès. Au premier janvier dernier, plus de trois cents villes françaises* avaient répondu présent, sans compter quatre communes belges et une trentaine au Québec. On le voit, si certaines élites persistent à vouloir imposer la culture qui leur a été transmise lors de leurs études, la plupart de nos concitoyens gardent leur bon sens.
Pierre FRANÇOIS
* dont 24 comptant au moins dix mille habitants, 17 vingt mille, huit trente mille, six quarante mille, six cinquante mille, une soixante mille, quatre soixante-dix mille, une quatre-vingts mille, une quatre-vingt-dix mille, Reims qui dépasse les cent quatre-vingts mille et le quinzième arrondissement de Paris qui flirte avec les deux cent quarante mille.