Théâtre, festival d’Avignon : « Je verrai le ciel ouvert, actes d’Étienne, martyr », de et mise en scène par Juliane Stern au Théâtre Tremplin, dans le off.

Histoire antique, tournure contemporaine.
« Je verrai le ciel ouvert » est une initiative comme on en voit rarement : du théâtre biblique complétant des sources étiques. Entretien avec Juliane Stern, auteur et metteur en scène.
Quelle est la genèse de votre pièce ?
Au départ, il y a une commande du diocèse de Saint-Étienne qui voulait fêter son cinquantenaire en mai 2021, et un an pour la réaliser. Le spectacle tourne dans les paroisses et par l’intermédiaire de l’association « Art, culture et foi ». Puis s’exporte à Lyon, à Paris, en Bourgogne, dans le Limousin et le Beaujolais. En allant cette année à Avignon dans un lieu parfaitement laïc – le théâtre Tremplin – on se réjouit de rencontrer un public averti(1). On a même hâte !
Cependant, pour parler d’Étienne, les sources sont assez lacunaires : 64 versets* en comptant large et une liste apocryphe des 70 disciples envoyés en mission** par Jésus. Était-ce suffisant pour construire une pièce sur sa vie ?
Non, si bien que, dans un premier temps, nous avons essayé de compléter ces sources directes par des études exégétiques. Cependant, le style académique de ce genre de travail aboutissait à un résultat insuffisant pour un rendu théâtral. La source principale a été ce que l’on sait de la vie telle qu’elle existait à Jérusalem au premier siècle, là où il était inséré. Ce choix est logique puisque au-delà de la conversion individuelle d’Étienne, c’est toute une société qui a basculé. Par chance, il existe des textes juifs qui ont tenté d’analyser le succès de cette nouvelle secte dans la société d’alors(2). Nous avons aussi eu recours à des images, des paysages, des expressions bibliques ou des couleurs qui pouvaient nourrir l’imaginaire, par-delà le monde des mots. Notre texte a été écrit librement entre les lignes de l’évangile, notamment à la manière du midrash(3), avec la même liberté d’interprétation.
Quelles ont été les options de mise en scène ?
C’est du théâtre narratif. Étienne parle de lui à la troisième personne. D’autres personnages, bibliques (Paul, Gamaliel, Jésus) ou de fiction (Amos, Le Simple), sont insérés, mais brièvement. Le spectacle est construit comme une boucle composée de retours en arrière successifs. Lors de son procès, Étienne exprime ce qu’il ressent intimement, l’arrière-fond de son discours ainsi que ce qu’il aurait pu ou voulu dire. Il est un de ceux qui ont sans cesse murmuré la Parole jusqu’à ce qu’elle lui apparaisse, incarnée en Jésus-Christ.
L’idée de départ a été de cultiver la sobriété. Nous avons travaillé avec un directeur d’acteur en mime, Benoît Cassard, qui a guidé le comédien vers les gestes qui allaient rendre présent de façon évidente le personnage. C’était nécessaire pour un texte parfois poétique ou abstrait. La scénographie aussi est minimaliste.
Quel est le rôle du violon ?
Il intervient à certains moments, en contrepoint, pour dialoguer. La musique principale est – logiquement ! – celle de Bach, avec quelques extraits de Bloch, Ysaïe ou Bartók, dont les tonalités modernes, parfois dissonantes, s’harmonisent avec le propos.
À l’entendre, on réalise que le dialogue est plus global. Au début de l’aventure, se tourner vers les croyants en leur proposant autre chose qu’un travail de patronage a permis de piquer la curiosité des paroisses, même si l’acte d’achat d’un spectacle reste un problème. Après un rodage de vingt-six dates, venir à Avignon devant le grand public sans que ce soit un prétexte à évangéliser – autre forme de dialogue – a de la valeur pour cette troupe. Traiter de façon contemporaine un épisode antique aussi.
Pierre FRANÇOIS
« Je verrai le ciel ouvert, actes d’Étienne, martyr », de et mise en scène par Juliane Stern. Avec Cédric Danielo (jeu) et Mathieu Schmaltz (violon). Musique : Louis-Jean Perreau. Du vendredi 7 au samedi 29 juillet 2023 à 14 h 30 au Théâtre Tremplin, salle Les Baladins, 7, rue du Bon Pasteur, (relâche 12, 18, 26) à Avignon, dans le cadre du festival off. https://www.festivaloffavignon.com/programme/2023/je-verrai-le-ciel-ouvert-s32904/
et https://www.billetterieJVCO
* Actes 6, 1-10 ; 7, 2-50 ; 8, 2.
** Lc 10, 1-24.
(1) Note de la rédaction : les paroissiens étant plutôt des spectateurs occasionnels et peu habitués à compléter le propos servi par le plateau, éduqués qu’ils sont à prendre ce qui vient du plateau sacré – l’ambon – pour argent comptant n’ayant pas à être interprété ou amendé.
(2) Note de la rédaction : Gamaliel, le maître de Paul de Tarse, lequel « approuvait l’exécution d’Étienne » en est un exemple typique lorsqu’il défend les apôtres – Actes 5, 34-39 – et crée ce qui deviendra « le critère de Gamaliel », une tradition faisant même de lui un juif baptisé en cachette.
(3) Selon le Larousse : « 1. Méthode d’exégèse rabbinique de la Bible qui, au-delà du sens littéral fixé à partir d’un certain moment de l’histoire, tend à rechercher dans les écrits bibliques une signification plus profonde. 2. Ouvrage de théologie juive rédigé selon ces principes. »
Photo : Jean STERN.

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