Théâtre : « Yalla ! », de Sonia Ristic à La Reine blanche, à Paris.

Humanité universelle.
« Yalla ! » aborde un thème délicat ; au point que l’on hésite à aller voir ce spectacle mettant face à face une soldate israélienne et un lanceur de pierre palestinien. On a tort. Au-delà d’une tragédie que l’on ne connaît que trop, cette pièce met en lumière l’aspiration impossible. Celle d’être compris. Celle de comprendre aussi. Celle d’une fraternité fantasmée, puisque interdite du moindre désir.
Certes, l’autrice a pris pour modèle des personnes appartenant réellement à ces milieux. Jusqu’à traduire dans la diction – pourtant entièrement en français – la musicalité ou le style de chaque langue, de chaque culture. Mais le propos se révèle universel. Ce n’est pas pour rien que les personnages sont encore dans l’âge des espoirs. Que ce double monologue, vraie tentative personnelle d’autojustification et interrogation concomitante, faux dialogue dans la mesure où chacun est incapable de répondre à la parole pensée de l’autre, se situe dans un monde à la frontière du réel et de l’imaginaire : celui des replis de la psychologie. Que la chute du spectacle est aussi inattendue que logique.
Hasard du calendrier, cette pièce a été vue lors de sa seconde représentation, celle lors de laquelle les comédiens se reposent si la première a été bonne ou refont tous les réglages si elle a été mauvaise. Or, là, rien de cela. Certes, on met trois minutes à entrer dans la poésie du texte et le propos du contexte, ce qui est inévitable tant l’écriture et la mise en scène sont originales. Une fois cette adaptation réalisée, on est suspendu aux lèvres de l’un et de l’une, tant les protagonistes sont plus à entendre qu’à voir. À leur fragilité. À leurs contradictions. À travers ces méditations parallèles s’opère une lente et asynchrone évolution, les personnages se construisant dans les yeux inconnus de l’autre. Chacun de leurs propos trouve un écho en nous, chacune de leurs hésitations nous rejoint. La chanson « J’aime les gens qui doutent » d’Anne Sylvestre, offerte en début de pièce, en est la clef indiscutable.
Pierre FRANÇOIS
« Yalla ! », de Sonia Ristic. Avec Pauline Etienne, Mohamed Belhadjine. Mise en scène : Deborah Banoun. Mercredi, vendredi et dimanche jusqu’au 20 avril au Théâtre de la Reine-Blanche, 2 bis, passage Ruelle, 75018 Paris. Tél. : 01 40 05 06 96 ; courriel : reservation@scenesblanches.com ; https://www.reineblanche.com/calendrier/theatre/yalla

Photo : Philippe Deutsch.