Théâtre : « La Ménagerie de verre », de Tennessee Williams, au Lucernaire, à Paris.

Magnifique ménagerie.
« La Ménagerie de verre » est désormais un classique. Et une mise en scène de Philippe Person une référence. De ce fait, quand les deux se croisent, on peine à comprendre comment la pièce se retrouve dans ce lieu confidentiel qu’est « Le paradis », au Lucernaire.
Du point de vue du jeu, cela commence très fort. Un personnage hybride, qui se présente à la fois comme narrateur et protagoniste de la pièce, introduit le contexte. On y croit néanmoins complètement, alors qu’au moment où il s’exprime, il n’est ni l’un ni vraiment l’autre. Les tourments de la mère dépressive et survoltée, qui compte sur les revenus du fils pour faire vivre la famille tant que la fille handicapée n’est pas mariée, sont parfaitement crédibles. La timidité maladive de cette dernière aussi ; tout au plus peut-on lui reprocher d’en faire un tout petit peu trop au moment d’ouvrir la porte, et encore, ce n’est pas si avéré que cela. Dans sa longue scène avec le galant, qui est d’un naturel tout aussi déconcertant, elle montre une parfaite maîtrise du rôle dans la progressivité avec laquelle elle s’ouvre à une familiarité, à laquelle elle doit ensuite vite renoncer. Quant au fils, est-il à la limite du caractériel pour répondre à la personnalité de sa mère ou parce qu’il ressemble à son père, on ne le saura pas. Mais on se rend compte, tout au long de la pièce, du statut particulier qui est le sien et dont il veut – plus ou moins habilement – se débarrasser.
Les bruitages et la musique tombent parfaitement à propos et amplifient à chaque fois le moment dramatique qui survient. Les transitions entre les scènes, sous forme de noirs, contribuent à entretenir le rythme de la pièce, de même que les dialogues, perpétuellement vifs. Le ton oral de ces derniers – « Je pense c’que j’dis », par exemple – ajoute à la crédibilité de l’ensemble.
Symboliquement, on a une mère qui a la nostalgie de sa vie de jeune fille dans un monde qui n’existe plus, un galant qui a su prendre le train en marche, un fils qui tente de le faire tout en se le reprochant et une fille qui est handicapée par le fait d’avoir un pied dans chacun de ces deux mondes.
Pierre FRANÇOIS
« La Ménagerie de verre », de Tennessee Williams, traduction d’Isabelle Fanchon. Avec Florence Le Corre, Alice Serfati, Blaise Jouhannaud, Antoine Maabed. Mise en scène : Philippe Person. Du mardi au samedi à 21 heures, dimanche à 17 h 30 jusqu’au 1er juin au théâtre du Lucernaire, 53, rue Notre-Dame-des-champs, 75006, Paris. Tél. : 01 45 44 57 34. https://www.lucernaire.fr/theatre/la-menagerie-de-verre/