Théâtre : « Le Marchand de Venise », de Shakespeare, au théâtre de L’Épée de bois à la Cartoucherie, à Paris.

Il fallait oser.
« Le Marchand de Venise » est une des pièces de Shakespeare les moins jouées. En cause : l’antisémitisme qui l’imprègne. Même si l’on considère qu’elle n’était pas antisémite à l’époque, la norme étant alors de l’être, elle choque les oreilles contemporaines.
Antonio Diaz-Florian, directeur du théâtre de L’Épée de bois à la Cartoucherie, s’est attelé à la monter, et c’est une vraie réussite. Et du point de vue dramatique, et du point de vue du message.
Les comédiens n’ont à leur disposition qu’un praticable posé à l’avant-scène, une passerelle le reliant au fond de scène, sans décor. Tout au plus peut-on noter la présence de deux accessoires, deux socles servant tantôt à s’asseoir, tantôt à poser les coffrets qui doivent décider de qui épousera Portia. Les protagonistes jouent toujours face au public, même lorsqu’ils sont censés s’adresser la parole, comme à l’époque. La richesse – ou plutôt la fantaisie – des costumes n’est que mieux mise en valeur par cette sobriété généralisée.
Dès les premières répliques, on croit aux personnages et on entre en vibration sympathique avec eux. Cela dure tout au long de la pièce – un peu plus de deux heures – et sans la moindre baisse de régime.
Grâce à ce jeu parfaitement incarné, Shylock et Antonio respirent l’humanité. Une humanité pétrie de préjugés et portant un regard négatif sur celui qui n’est pas de leur monde (et par voie de résonance avec les émotions dégagées par les comédiens, du nôtre), mais sans faire ressentir le racisme primaire dont la plupart des mises en scène ne parviennent pas à se défaire. La pièce devient alors une machine à faire réfléchir à l’antinomie entre personnes de religions ou de convictions différentes, ce qui met en évidence son actualité… Merci !
Pierre FRANÇOIS
« Le Marchand de Venise », de Shakespeare, traduction de François-Victor Hugo. Adaptation et mise en scène : Antonio Diaz-Florian, assisté de Graziella Lacagnina. Avec Salomé Becq de Fouquières, Antonio Diaz-Florian, Hamidreza Djavdan, Hazem El Awadly, Valentine Galey, Florian Gicquiaud, Nawel Khaldi, Charles Leys, Hector Morales, Abderrahmane Ouldhaddi, Martin Vaughan Lewis. Musique : Hamidreza Djavdan. Costumes : Abel Alba, assisté de Martin Vaughan Lewis. Dispositif scénique : David Léon, assisté d’Abderrahmane Ouldhaddi. Lumières : Quique Peña. Régie : Marie Aguirre. Jeudi et vendredi à 21 heures, samedi et dimanche à 16 h 30 jusqu’au 22 octobre, date du vernissage dans la même salle, des œuvres du peintre Gilbert Conan créées pendant les représentations. Au théâtre de L’Épée de bois, Cartoucherie, route du champ de manœuvre, 75012 Paris, métro Château de Vincennes, puis bus 112, arrêt « Cartoucherie ». Réservations : billetterie@epeedebois.com, tél : 01 48 08 39 74. https://www.epeedebois.com/un-spectacle/le-marchand-de-venise/

Photo : Pierre François.

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