Théâtre : « Les Oubliés », de Jean Céline Borel au Théâtre des déchargeurs, à Paris.

Huis clos.
« Les Oubliés » est une pièce cruelle et réaliste de laquelle il est impossible de s’évader tant elle est bien jouée. Les influences revendiquées par l’auteur de ce huis clos sont Samuel Beckett (« En attendant Godot ») pour l’espace indéterminé, Jean-Paul Sartre (« Huis clos ») pour l’enfermement sous le regard de l’autre, Werner Herzog (« Aguirre, la colère de Dieu ») pour la proximité de la folie, Lars Noren (« Catégorie 3.1 ») pour le travail sur la langue, Francis Ford Coppola (« Apocalypse Now ») pour la parenté entre mort, absurdité, folie et violence. Auxquels on peut encore ajouter Camus, Maria Remarque ou Blaise Cendrars.
Dès le début du spectacle, le ton est donné : « J’ai soif. J’ai faim. J’ai peur. » Ce huis clos met en présence cinq hommes à fleur d’instinct et qui n’ont d’autre point commun que de se trouver à désespérer là ensemble, avec comme viatique la vague promesse que l’on viendra les rechercher. Alentour, c’est la jungle et la guerre. Alentour seulement ? Une violence, tantôt sourde, tantôt exprimée, leur tient lieu de moyen d’expression.
Survivront-ils ? Se mangeront-ils ? Quoi, de l’animalité ou de l’humanité, va les faire évoluer et comment ? Telles sont les questions que les spectateurs se posent tout au long de ce spectacle aux rebondissements savamment orchestrés. Le jeu est à la hauteur du texte : complètement crédible. On est, avec les personnages, prisonnier d’une évolution qui avance par saccades. Les différentes facettes de la nature humaine sont bien représentées, de l’idéalisme à la cruauté en passant par la lâcheté ou l’individualisme. La pièce montre comment un monde absurde peut faire perdre le sens de la vie. Enfin, si elle ne dit certes pas tout de la vie en société et souffre d’une ou deux longueurs, elle possède sa logique et, à travers une description clinique, rend compte d’une (bonne) partie de la réalité.
Pierre FRANÇOIS
« Les Oubliés », Huis-clos poético-philosophique de et mis en scène par Jean Céline Borel. Avec Nicolas Nasciet, Romain Pichon, Thomas Perriau-Bébon, Clémence Barbey, Clément Durécu. Du dimanche au mardi à 21 heures jusqu’au 31 janvier au Théâtre des déchargeurs, 3, rue des déchargeurs, 75001 Paris, tél. : 01 42 36 00 50. Métro Châtelet, sortie rue de Rivoli numéros pairs ou Bertin Poirée ; RER Châtelet-les-Halles, sortie Porte Berger. https://www.lesdechargeurs.fr/spectacles/les-oublies/

Photo : Jean-Celine-Borel.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *