Théâtre : « Électre ou le crépuscule des rois », de et mis en scène par Matthieu Desquilbet au théâtre Essaïon, à Paris.

Paroxysme tragique.
« Électre » à l’Essaïon mérite que l’on se replonge dans le mythe avant d’aller voir cette réécriture fidèle, à quelques détails près. Car ce n’est que peu à peu que l’on reconstitue le fil des relations entre la mère est ses deux enfants restant, alors que la mort ancienne d’Iphigénie est un des nœuds du désespoir des femmes. Désespoir qui prend la forme d’un refus de l’autre si intense – tant dans sa profondeur que dans son expression, et c’est le principal regret à avoir – qu’il en vient à oblitérer certaines des autres facettes psychologiques des personnages.
Quatre dimensions néanmoins sont évidentes : la remise en cause des autorités, familiale comme politique, l’absence de sens de la vie pour Oreste et la façon dont sa sœur et lui échangent leurs destins ; enfin le rôle central du vin pour faire advenir les vérités. De fait, la scène du banquet apparaît immédiatement comme le pivot autour duquel les sorts vont se sceller.
La distance que Clytemnestre garde par rapport à ses enfants a-t-elle seulement une visée éducative, ainsi qu’elle le prétend, ou aussi de peur de son avenir ? Est-elle réellement franche avec eux, elle qui, véritable animal politique, parvient à exercer le pouvoir alors qu’un abîme – manifestement transmis – habite son âme ? La figure du père occupe une place importante chez chacun des trois, qu’ils l’adulent ou le méprisent pour l’avoir trop peu ou trop bien connu.
Du point de vue de la forme, ce spectacle utilise largement – et avec bonheur – le langage du corps, spécialement chez Électre. Même quand la chorégraphie cesse, il reste une fluidité des déplacements qui manifeste combien ils sont pensés en fonction de ce qui est en train de se dire.
Enfin, et ce n’est pas le moindre intérêt de cette pièce, elle comporte des dialogues forts, qui rendent bien compte de la tragédie qu’est la vie.
Pierre FRANÇOIS
« Électre ou le crépuscule des rois », de et mis en scène par Matthieu Desquilbet. Avec Laura Moretti, Caroline Tampere, Baptiste Znamenak. Jeudi, vendredi et samedi à 19 h 15 jusqu’au 1er octobre au théâtre Essaïon, 6, rue Pierre au lard (à l’angle du 24 rue du Renard), 75004 Paris, métro Hôtel-de-Ville, Rambuteau, Châtelet, tél. 01 42 78 46 42, courriel : essaionreservations@gmail.com. Web : https://www.essaion-theatre.com/spectacle/968_electre-ou-le-crepuscule-des-rois.html. Contact compagnie : matthieu.desquilbet@gmail.com ou lesseptsceaux@hotmail.com.

Photo : Pierre François.

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