Théâtre : « Péguy/Lonsdale entre ciel et terre » au Théâtre Poche-Montparnasse de Paris.

Si actuel !
Il est des spectacles qui créent une communion tant avec les artistes qu'avec l'auteur. « Péguy/Lonsdale entre ciel et terre » est de ceux-là. C'est au surplus un spectacle poétique qui donne envie de relire tout Péguy ! Pierre Fesquet a rencontré Michael Lonsdale à l'occasion d'un spectacle sur Jeanne d'Arc. C'est naturellement qu'au moment d'en monter un sur Péguy, ils se retrouvent. Dans ce montage poétique, chacun prête sa voix à quelques passages de l'auteur. Un accordéoniste et pianiste improvise à des moments déterminés en se laissant porter tant par le texte que par la façon dont il est donné. Et la symbiose se fait.
Ce qui est d'emblée stupéfiant est la façon très différente dont chacun lit Péguy. La voix de Lonsdale est méditative, douce, lente, elle s'adresse au plus intime de chacun, pénètre l'intelligence et le cœur. Celle de Pierre Fesquet, au rythme plus marqué, est passionnée, dynamique, solennelle. Et même quand ils se relaient dans la lecture d'un même passage, on sent combien chacun dit l'auteur avec vérité. Comme si Péguy possédait tant de facettes qu'aucune des deux intonations ne pouvait à elle seule épuiser le sens de son écriture.
Est-ce de ce fait ? On note en tout cas une véritable communion entre le public et les comédiens. Certes, il y a des spectateurs qui sont venus parce que Michael Lonsdale est sur l'affiche. Mais on sent bien que très vite la salle dépasse le stade de la curiosité et le silence devient palpable, quasiment religieux.
La construction de la pièce a cherché à mettre en valeur quatre aspects de Péguy. Le poète de combat tout d'abord, celui qui se bat contre tous les mensonges, même ceux qu'il se fait, avec les seuls mots pour arme. Le poète habité par l'espérance ensuite, elle qui lui a permis de vaincre ses propres démons dépressifs. Le poète artisan aussi ; et d'aucun prétendent qu'il rythme sa poésie sur le travail manuel en reprenant celui, répétitif, du travail de rempaillage de chaise de sa mère (ils se fondent pour cela sur le fait qu'il a déclaré avoir rythmé celui de la « Balade du cœur qui a tant battu » sur celui du métro parisien?). Le poète pèlerin enfin, qui a inauguré la route de Chartres et ne demande, dans les logiques de Zachée ou du bon larron, que la dernière place au purgatoire.
Car il y a, derrière un clair anticléricalisme, une recherche authentique, profonde, qui le mène à dire que si les prêtres détiennent les sacrements, les fidèles ont à leur disposition la prière. De même, celui qui ne pratiquait pas, ne s'est pas marié religieusement (de sorte que quelques amis légalistes ont pu lui suggérer d'abandonner sa femme pour vivre son amour avec une jeune agrégée juive, Blanche Raphaël) et n'a pas fait baptiser ses enfants a creusé un sillon mystique. Si profond qu'il a été vu comme un modèle par Bernanos et a influencé la pensée de théologiens comme Jean Danièlou, Henri de Lubac ou encore Hans Urs von Balthasar, notamment sur la vision d'un Dieu plus miséricordieux que justicier.
C'est tout cela que ce spectacle fait sentir. La synthèse est si bien équilibrée et le propos si actuel qu'on est pris de l'envie de se replonger dans son œuvre…
Pierre FRANÇOIS
« Péguy/Lonsdale entre ciel et terre ». Montage poétique et mise en scène, Pierre Fesquet. Avec Michael Lonsdale, Pierre Fesquet, Thierry Bretonnet étant à l'accordéon. Lumières : François Loiseau. Du mardi au samedi à 21 heures, dimanche à 15 heures du 10 au 15 Février au Théâtre de poche-Montparnasse, 75, bd du Montparnasse, 75006 Paris, tél. : 01 45 44 50 21, métro Montparnasse, http://www.theatredepoche-montparnasse.com. Puis les 17 et 18 avril au Cinéma ABC à Toulouse.

Photo : Fabienne Rappeneau.

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