« Coup de théâtre(s) » est une histoire comique du théâtre mise en scène par Sébastien Azzopardi. On se souvient de son « Tour du monde en 80 jours », qui tient l'affiche depuis huit ans (actuellement au Splendid). Cette nouvelle mise en scène est de la même veine, mais avec des effets comiques nettement plus appuyés. On y retrouve en effet un rythme trépidant au milieu de modules dont les assemblages créent autant de décors différents.
Avec, donc, un parti pris de décalage comique parfaitement maîtrisé : ça part sans cesse en vrille, mais jamais en eau de boudin. On rit deux fois par minutes. Les allusions aux œuvres théâtrales sont assez claires – les trois sorcières sur la lande, les deux vagabonds assis se tournant le dos, le chœur antique, le cadet au long nez – pour qu'on identifie immédiatement à quoi il est fait allusion, avant même que le dialogue ne nous le révèle avec humour.
Et si le texte fait parfois dans le décalage simple (un des comédiens fait une remarque à un autre sur sa façon de jouer alors qu'ils sont en train d'interpréter des personnages, par exemple), il est assez fin pour soudain résumer en alexandrins le drame du guerrier laid ou spirituel pour exprimer le comique absurde de Beckett (On ne se connaît pas aujourd'hui, mais on se connaissait hier et on attend depuis trois ans sous cet arbre un quidam qui nous a dit de venir ici il y a six mois). Le désespoir tchékovien mérite une mention spéciale : « -As-tu jamais été marié, Igor ? -Je n'ai quand même pas connu tous les malheurs ! »
On ne peut citer toutes les œuvres qui sont pastichées ou auxquelles il est fait allusion. À chaque fois, la mise en scène se calque sur le style habituel de la pièce (par exemple trois quiproquos à la seconde pour « L'hôtel du libre échange »). On sent une tendresse particulière pour Shakespeare et Cyrano de Bergerac, laquelle donne une saveur supplémentaire à ces passages.
Le jeu des comédiens est d'une précision d'horlogerie, d'ailleurs le rythme ne permet pas autre chose. On est sans cesse dans le rire et la dérision, mais jamais dans la caricature ironique ou destructrice. D'une certaine façon, les traits d'humour ne font que souligner le style propre à chaque auteur et, ce faisant, constituent une introduction parfaitement pédagogique à leurs styles.
Pierre FRANÇOIS
« Coup de théâtre(s) », de Sébastien Azzopardi et Sacha Danino. Avec Benoît Cauden, Alyzée Costes, Alexandre Guilbaud, Nicolas Martinez, Laurent Maurel, Olivier Ruidavet, Salomé Talaboulma. Mis en scène : Sébastien Azzopardi. Du mardi au samedi à 21 heures, matinée le samedi à 17 heures jusqu'au 22 décembre au Théâtre de la Gaîté Montparnasse, 26, rue de la Gaîté, 75014 Paris, métro Gaîté ou Edgard Quinet, tél. : 01 43 20 60 56.
Photo : Emilie Brouchon, Louis Armand.