Théâtre : « Le Feu du poète, de la chute à la célébration » au Studio Hébertot, à Paris.

Spiritualité des poètes. 
« Le Feu du poète » est un très beau spectacle pour qui apprécie les poésies de Baudelaire, Rimbaud, Hugo, Nietzsche et Whitman. Le fil conducteur de ce spectacle est double. Intellectuellement, il s’agit de la recherche qu’ils ont eu de l’absolu (en le situant chacun dans un univers différent). Formellement, il s’agit de cultiver le silence et l’émotion qu’une diction bien conduite suscite.  
La démarche du comédien est en effet de partir du constat que nous avons tous peu ou prou abandonnés nos rêves pour négocier avec la vie tandis que les poètes sont porteurs d’un feu qui éclaire l’Infini.
Il part donc de Baudelaire et de sa recherche de la Transcendance dans le monde visible qui aboutit à cueillir les « Fleurs du Mal » dans ce voyage terrestre assimilable au « feu de la chute ». Il s’agit de « plonger au fond du gouffre, / Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau ! » (« Le Voyage »). Rimbaud, lui, va plus loin : il pressent combien l’Homme est plus qu’il ne pense (« Je est un autre »), mais finit par se heurter au fait que cet « autre » n’a pu être que fantasmé par son esprit, qu’il ne l’y a jamais rencontré (« moi, bateau perdu sous les cheveux des anses, / Jeté par l’ouragan dans l’éther sans oiseau »). Hugo, comme Rimbaud, sait l’infini inatteignable. Mais cela le stimule pour offrir à ses contemporains des rêves, des horizons à poursuivre, moyen d’oublier notre condition tragique : « Les rêves dans nos cœurs s’ouvrent comme des yeux ; / Je rêve et je médite ; et c’est pourquoi j’habite » (À l’Homme, La Légende des siècles). Nietzsche, à la suite de Hugo, utilise le verbe comme outil, mais ne conçoit aucune mélancolie : son infini, c’est sa connaissance, pourquoi le chercher ailleurs ? Whitman, enfin, ne cherche ni à atteindre ni à conquérir : il est son propre infini, sa propre totalité (« Je suis le copain, le compagnon de tout le monde, tout le monde est aussi immortel, aussi insondable que moi »).
Ne serait-ce que pour cette histoire de la recherche spirituelle, qui ne faisait qu’annoncer la voie qu’empruntent nombre de nos contemporains, ce spectacle mérite d’être vu. Et ne serait-ce que pour le bonheur de la musique poétique, il mérite largement d’être entendu.
Pierre FRANÇOIS
« Le Feu du poète, de la chute à la célébration ». Baudelaire, Rimbaud, Hugo, Nietzsche, Whitman : création, mise en scène et interprétation : Jean-Baptiste Ponsot. Samedi à 15 heures jusqu’au 30 décembre au Studio Hébertot, 75 bis, boulevard des Batignolles, 75017 Paris, métro Villiers, Rome, tél. 01 42 93 13 04, www.studiohebertot.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *