Théâtre : « The Servant » au Théâtre de poche-Montparnasse, à Paris.

Servitude.
Marivaux raisonnait au pluriel et sous un angle social. Robin Maugham raisonne au singulier et d'une façon plus morale. Confrontation de la ruse et de la paresse, cette pièce est pour certains encore meilleure que le film dont elle est inspirée (ce dernier serait désormais daté). Et Maxime d'Aboville vient de recevoir le Molière du comédien d'un spectacle privé pour son interprétation magistrale du rôle titre.
« The Servant » est un film culte des années soixante qui se projette encore. C'est aussi une pièce de théâtre qui fait salle comble au Poche-Montparnasse. À raison !
Cette adaptation rend en effet immédiatement compte de l'atmosphère étrange et lourde qui envahit la vie de ce jeune jouisseur dont le seul souci est de prendre sa revanche sur des conditions de vie dure aux colonies.
Sans doute le personnage de sa fiancée, que l'on ressent comme artificiel, l'est-il à dessein dans la mesure où il contribue à asseoir cette ambiance particulière. Le serviteur, regard sombre et tête perpétuellement baissée, évoque autant un esprit retors qu'un taureau prêt à foncer. Maxime d'Aboville l'incarne de façon magistrale. L'ami, travailleur comme ne l'est pas le maître ; et franc, comme ne l'est pas le domestique, est en double opposition par rapport à eux même si son amitié est fidèle au-delà de ce que souhaite son camarade dilettante. La fiancée de ce dernier, comme l'ami, éprouve les mêmes réserves tout en lui conservant son amour, ce qui explique le destin de sa relation avec un homme de plus de valeur que celui qu'elle aime. Les femmes introduites par le serviteur sont à la fois intéressées et sensibles, ce qui les rend d'autant plus crédibles.
On comprend vite le goût du pouvoir, de revanche, qui anime le serviteur. Mais ce n'est que vers la fin que son ultime motif apparaît, révélé autant par ses relations avec ses amoureuses qu'envers celui auquel il est censé obéir : détruire.
Cette pièce est riche. Par le talent qui y est déployé, par un texte qui maîtrise aussi bien la noirceur que l'humour (« – C'est toujours mieux que rien. – Sa mère a dû penser la même chose. »), par des psychologies complexes, par des enjeux multiples…
Les dialogues sont vifs et savoureux, surtout ceux qui se font avec ou au sujet du serviteur. On est pris par l'histoire, on est régulièrement surpris par les évolutions en même temps qu'on y adhère totalement tant elles sont logiques. On ne voit pas le temps passer…
Pierre FRANÇOIS
« The Servant », de Robin Maugham, traduction de Laurent Sillan. Mise en scène Thierry Harcourt assisté de Stéphanie Froeliger. Avec Maxime d'Aboville, Roxane Bret, Xavier Lafitte, Adrien Melin, Alexie Ribes. Lumières Jacques Rouveyrollis assisté de Jessica Duclos. Costumes Jean-Daniel Vuillermoz. Décor Sophie Jacob. Du mardi au samedi à 19 heures, dimanche 17 h 30 au Théâtre de poche-Montparnasse, 75, boulevard du Montparnasse, 75006 Paris, tél. : 01 45 44 50 21, www.theatredepoche-montparnasse.com.

Photo : Brigitte Enguerand

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