Chaos impeccable.
« n degrés de liberté » illustre la théorie du chaos. Chaotiquement ? Apparemment, oui, sauf qu’en fait tout est millimétré, jusque dans les anachronismes compris dans le texte. Car, en principe, la pièce traite de la Commune. Excepté que la Commune a été l’archétype de toutes les révolutions du XXe siècle. Il n’est donc pas inopportun d’évoquer la grève des femmes de ménage de l’hôtel Ibis ou l’histoire de Lip. Le chaos, on vous dit. Mais organisé, au point qu’une ou deux fois, on a fugitivement le sentiment d’un exposé didactique.
La mise en scène, régulièrement chorégraphiée, est parfaitement coordonnée, au point que la mise en place à vue de certains accessoires semble naturelle. De même, les éclairages sont soignés, avec quelques effets de bravoure mêlant mime et fumigènes dans des constructions pyramidales pouvant évoquer La Liberté guidant le peuple ou Le Radeau de la Méduse. La poésie est également de la partie, avec ce long passage Nous sommes de ceux…, du groupe Fauve, qui nous pénètre la conscience, mais aussi avec un poème de Louise Michel chanté en canon. Il faudrait encore parler de la musique, très contemporaine, parfois heurtée ou violente, toujours énergique.
Quand on demande à la metteuse en scène ce qui a guidé ses choix, elle commence par expliquer sa difficulté à trier dans une documentation abondante, l’ignorance dans laquelle elle était de cet épisode, elle qui, trentenaire, n’a même pas connu le rideau de fer. Mais aussi sa découverte de la dimension internationale des Communards, au point que lors de la Révolution russe, les bolcheviks ont fêté le soixante-douzième jour de leur soulèvement : ils venaient de dépasser la durée de la Commune. Ce sont toutes ces dimensions oubliées – par exemple, non, les Communards n’étaient pas que des ouvriers, il y avait aussi des bourgeois – ainsi que la façon dont le chaos explique aussi l’actualité – notamment climatique – que les comédiens et comédiennes mettent en avant avec talent.
On tient ici une pièce qui maîtrise son sujet et du point de vue historique et du point de vue symbolique et du point de vue artistique. On aurait tort de s’en priver.
Pierre FRANÇOIS
« n degrés de liberté », création collective. Avec Victor Barrère, Andrea Boeryd, Paul Colom, Nathan Chouchana, Manon Dumonceaux, Harry Kearton, Mahtab Mokhber. Mise en scène : Thylda Barès. Dramaturgie : Ezra Baudou. Jours de représentation changeants selon les semaines, cf. la page web du spectacle jusqu’au 26 novembre au Théâtre de Belleville, 16, passage Piver, 75011, Paris, tél. : 01 48 06 72 34, https://www.theatredebelleville.com/fr/n-degres-de-liberte
Et aussi, tantôt en salle et tantôt en extérieur : le 30 novembre à Gif-sur-Yvette (Scène de recherche ENS), 12 mars à Région en scène Normandie, 1ᵉʳ avril à Bagneux (Théâtre Victor Hugo), 5 avril à Fontaine-Étoupefour (salle Paul Cash), 11 avril au Kremlin-Bicêtre (Centre culturel André Malraux), 25 avril à Bernay (Théâtre Le Piaf), 29 avril à Saint-Valéry-en-Caux (Rayon vert), 2 mai à Étampes (Théâtre intercommunal), 3 mai à Fontenay-aux-roses (Théâtre des sources), 24 et 25 mai à Mondeville (Théâtre de la Renaissance), 27 mai à Rouen (festival curieux printemps & Théâtre de l’étincelle), du 27 au 29 juin à Sotteville-lès-Rouen (festival Vivacité), 3 et 4 juillet à Granville (festival Sortie(s) de bain), 5 et 6 juillet à Bar-le-Duc (ACB scène nationale), du 9 au 12 juillet à Chalon-sur-Saône (festival Chalon dans la rue), 18 et 19 juillet à Saint-Hilaire-de-Chaléons (festival Spectacle en Retz), 24 juillet à Falaise (festival Les Faltaisies), du 20 au 23 août au festival d’Aurillac, le 21 septembre à Saulx-les-Chartreux (festival itinérant Encore les beaux jours – Animakt), le 14 novembre à Romainville (Le Pavillon), le 21 novembre à Pont-Audemer (L’Éclat).
Photo : Pierre François.