Théâtre : « Barbara, mémoires interrompus » de ?? au Studio Hébertot, à Paris.

Une touchante et secrète intimité.
D’après « Il était un piano noir », mémoires commencés en avril 1997 et inachevés à cause de son décès en novembre de la même année, Catherine Pietri nous dévoile une Monique Serf, intime, secrète et bouleversante, dans l’ombre de son enfance et de son adolescence douloureuses, avant les lumières et la gloire de celle qui deviendra Barbara. Son adaptation pleine de délicatesse et de sensibilité nous embarque dans les méandres d’une vie bousculée entre pauvreté et froid à Roanne, avec les huissiers, les créanciers… Heureusement, il y a aussi la douceur de Granny, sa grand-mère adorée dont elle est la préférée. Assise sur ses genoux, elle lui raconte quand elle vivait en Russie, quand sa maman était petite et quand elle est venue à Paris… Pour la remercier, elle s’assied devant la table et sur son clavier imaginaire et lui joue sa musique… Mais entre l’indifférence froide de sa mère, la supériorité intellectuelle de son frère Jean et la peur teintée du mal-être et du malsain que lui inspire son père, la petite fille se réfugie dans l’addiction au « Zan » ! Ces bouts de réglisse dont elle raffole au point qu’elle vend un jour son baigneur à son frère pour trois carrés de Zan ! Qu’as-tu dans la tête, s’écrie la famille indignée ? – De la musique ! À partir de 10 ans 1/2, tout bascule dans l’horreur, avec l’inceste de son père, le déni de l’entourage et le poids d’un si terrible secret qu’elle s’enfuit de chez elle à 16 ans. Vont suivre des années de casting et de tricot !!! Entre Bruxelles et Nantes, des rencontres improbables avec Alboudaram ou la Chrysler de Monsieur Victor et, toujours sous-jacente, la folle envie de chanter ! Puis la mort brutale du père en décembre 1959, la révolte qui remonte, violente, et la relation qui s’inverse avec sa mère qui devient son enfant… Catherine Pietri vibre, incarne avec force et interprète de façon magistrale toutes les facettes complexes, contradictoires, pittoresques, tragiques de cette personnalité exceptionnelle en devenir. Un spectacle original, inattendu et magnifiquement attachant. Quant à l’admiration pour la Grande Dame de la chanson française, elle s’en trouve transcendée…
SIDONIE