Théâtre : « Le Cartographe », de Juan Mayorga au Théâtre de l’opprimé, à Paris.

Papier vivant.
« Le Cartographe » fera sûrement rêver ceux qui voyagent déjà en suivant des yeux les courbes d’une carte. Mais pas qu’eux, heureusement. Le personnage principal de ce récit est le récit lui-même, un récit qui déambule dans les rues disparues du ghetto de Varsovie.
Ils sont plusieurs à être ensorcelés par ce lacis d’itinéraires et ces points remarquables – chacun privilégiant ceux qui lui parlent le plus, puisque definitio est negatio – au premier rang desquels cette jeune fille qui le parcourt pour en transmettre la vie malgré les épreuves. Il y a aussi cette femme qui cherche autant des points de vue à partir desquels ont été prises des photos que de reconstituer les choix de sa fille. Parler de possession n’est pas excessif. Une autre femme serait-elle cette jeune fille ? L’on suit sa carrière de cartographe sous le régime communiste jusqu’à sa retraite.
Un seul homme semble s’intéresser à cet art : celui qui transmet les secrets de la discipline à la jeune fille qui arpente avec passion les futurs décombres et note les lieux remarquables. Les autres – le mari de celle qui a découvert un stock de photos, l’employé qui range ces dernières, celui chargé de superviser le travail des cartographes ou d’interroger les suspects – ont tous un but plus haut que de faire vivre une feuille de papier.
Dans ces univers qui ne se croisent qu’à la faveur de reconstitutions sur papier, on est pris par la vie qui émane de ces ensembles de codes, mais aussi par les personnages qui ont cédé à la passion de faire mémoire à leur façon.
Chacun est attachant en même temps que mystérieux, crédible donc. L’on sent combien chacun est mû par un ressort puissant. En matière de mise en scène, le travail conjugué des lumières et des accessoires est remarquable. Il n’y a pas de temps mort. On ressort de là en voyageant encore dans nos têtes.
Pierre FRANÇOIS
« Le Cartographe », de Juan Mayorga. Avec Myriam Allais, Laurent Bariteau, René Hernandez, Raphaël Mondon, Hervé Petit, Charlotte Pradeilles, Céline Rotard Prineau, Nicolas Thinot. Mise en scène : Hervé Petit. Du mercredi au samedi à 20 h 30, dimanche à 17 heures jusqu’au 19 décembre au Théâtre de l’Opprimé, 78-80, rue du Charolais, 75012 Paris, tél. 01 43 45 45 74, http://www.theatredelopprime.com/2021/11/cartographe-dec/

Photo : Pierre François.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *