Théâtre : « Dans les veines ralenties » et « Peggy Pickit voit la face de Dieu » au Théâtre de l’Aquarium à Paris.

Le théâtre de l'Aquarium associe, dans son spectacle « Dyptique » deux pièces – « Dans les veines ralenties », d'après les consignes données par I. Bergman à ses acteurs dans « Cris et chuchotements », et « Peggy Pickit voit la face de Dieu », de Roland Schimmelpfennig – dont les thèmes ont des correspondances.

Dire que le lieu aurait été inspiré de fournir un antidépresseur à l'entracte, après « Dans les veines ralenties… », et un somnifère une fois subi le spectacle du naufrage d'un couple, est une boutade certes injuste, mais qui donne le ton de l'ensemble.

La lumière de « Dans les veines ralenties » est celle, blanche et crue des néons. Le décor comporte plusieurs éléments déshumanisants : un ordinateur, une webcaméra, du matériel de laboratoire photographique*. Tout cet ensemble induit, en lui-même, une atmosphère glacée. Alors, quand la comédienne incarnant la sœur aînée y ajoute un ton de voix aussi saccadé que distant, c'est toute l'action de la pièce qui s'en trouve congelée. Heureusement, salle et plateau jouent leur rôle de micro-onde, qui évite le four dans la mesure où on entre petit à petit dans la pièce, tirée par l'aide soignante et le médecin. Mais une heure vingt d'agonie, c'est long, même si au passage ce temps permet à des voiles de se lever et si la même sœur joue magnifiquement la scène de « dis moi en quoi tu te sens libre ? » à sa cadette lui confessant une passion.

La pièce de Roland Schimmelpfennig raconte quant à elle l'agonie d'un couple face à un autre incapable de l'aider à survivre dans la mesure où, si les apparences sont sauves, il est déjà mort. Elle est très bien jouée et, surtout, bénéficie d'une mise en scène aussi originale que dynamique.

C'est pour cela qu'il serait injuste d'en rester à la boutade de ce début d'article : la toute jeune metteuse en scène, si elle en fait manifestement trop dans son travail le plus classique, s'en sort superbement dans « Peggy Pickit… ». À partir d'un texte très difficile (les répliques sont juste numérotées sans la moindre didascalie), elle crée une mise en scène qui met en valeur chaque étape du processus de révélation – pour nous, public – de ce qui se passe réellement derrière des mots qui commencent par essayer de sauver les meubles avant de virer à l'avis de tempête. Le procédé du faux noir qui ponctue le spectacle tout en lui donnant un bon rythme fonctionne parfaitement bien. Et révèle au passage combien le talent d'Aurélia Van Den Daele est plus à l'aise dans l'invention que dans l'application de leçons connues de tous. Pour cela, il faut aller voir ses pièces ou, à tout le moins, « Peggy Pickit voit la face de Dieu ».

Pierre FRANÇOIS

« Dyptique : Dans les veines ralenties + Peggy Pickit » est programmé les dimanches à 16 heures. Les pièces peuvent être vues séparément : « Dans les veines ralenties », d'Elsa Granat d'après Cris et chuchotements d'Ingmar Bergman les mercredis, vendredis et samedis 15 novembre à 20 h 30 ; « Peggy Pickit voit la face de Dieu », de Roland Schimmelpfennig (trad. : H. Mauler et R. Zahnd) les mardis, jeudis et samedis (sauf le 15 novembre) à 20 h 30, dimanche à 17 h 45 au Théâtre de l'Aquarium, Cartoucherie, 75012 Paris, métro Château de Vincennes + navette gratuite ou bus 112. tél. : 01 43 74 99 61, www.theatredelaquarium.net/

Avec, pour « Peggy Pickit… » : Gwendal Anglade, Lorraine de Sagazan, Sol Espèche, David Seigneur et, pour le collectif Invivo qui a créé la vidéo : Julien Dubuc, Chloé Dumas, Samuel Sérandour. Mise en scène : Aurélie Van Den Daele.

Avec, pour « Dans les veines ralenties », d'Elsa Granat : Aurore Erguy, Julie Le Lagadec, Marie Quinquempois, Antoine Sastre, Aurélie Toucas. Mise en scène : Aurélie Van Den Daele.

Jusqu'au 30 novembre.

 

* Pour couronner le tout, les évocations des travaux photographiques risquent de faire hurler de rire n'importe quel photographe amateur qui a pratiqué l'argentique et le numérique : les techniques de ces deux procédés sont mélangées sans vergogne et sans même qu'un scanner de film ou à diapos soit présent sur le plateau pour donner un semblant de logique à ce bric-à-brac technique.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *