Théâtre : « Jean Zay, l’homme complet », d’après « Souvenirs et solitude » de Jean Zay à l’Essaïon Théâtre, à Paris.

Exemplaire.
La pièce a été vue un soir de première. On met donc, logiquement, sur le compte de la tension le surjeu des cinq premières minutes, qui évoquent l’arrestation de Jean Zay et le début de sa captivité. Dès le changement de décor – et le passage de sa condition de prisonnier de droit commun pour celle de politique – on entre complètement dans la pièce. La passion et l’humanité du ministre déchu, la beauté de son verbe, l’élévation de ses convictions, l’exigence de son introspection, tout cela devient d’une clarté réjouissante. Les projections, sur le mur du fond, accentuent l’authenticité et l’historicité du propos par quelques extraits d’actualités filmées de l’époque.
La pièce instruit sans en avoir l’air. S’agissant d’un personnage relativement inconnu, on est dans l’étonnement d’apprendre tout ce qu’on lui doit, encore aujourd’hui. L’émerveillement aussi devant une personnalité politique si droite et inventive à la fois. Ce récit colle de près à l’Histoire par l’angle de ses souvenirs personnels, aussi précis quant aux faits que quant aux émotions qu’ils provoquent. Avec lui, on découvre la manière dont un prisonnier peut, en faisant connaissance avec ses ressorts les plus profonds, tout percevoir de ses semblables. On comprend aussi comment « tuer le temps » est un travail harassant devant être mené avec une volonté de fer pour ne pas céder au désarroi qui provoquerait la lassitude, laquelle à son tour dissoudrait les réalités, à commencer par celle de la durée.
De façon complémentaire, il vient à parler de la « volupté » de la vie carcérale, dans la mesure où tout est fourni. Mais il serait malhonnête de rapprocher ses propos – qui sont ceux d’un expérimentateur philosophe ayant à la fois le sens de la nuance et du paradoxe – de ceux tenus par des personnes sans réelle expérience de la vie, et notamment de la solitude au sujet de laquelle il a des mots très forts.
Il est rare qu’un comédien puisse restituer les conclusions philosophiques et psychologiques d’une expérience aussi forte que celle de l’emprisonnement immérité avec tant de vérité. Il y a là deux belles personnes à découvrir : celle du rôle et celle de son interprète.
Pierre FRANÇOIS
« Jean Zay, l’homme complet », d’après « Souvenirs et solitude » de Jean Zay. Adaptation et jeu : Xavier Béja. Mise en scène : Michel Cochet. Le mardi à 19 h 15 jusqu’au 26 mars, supplémentaires les 02, 03, 09 et 10 février à 19 h 15 à l’Essaïon Théâtre, à Paris. 6, rue Pierre au lard (à l’angle du 24 rue du Renard) 75004 Paris. Métro Châtelet, Hôtel de Ville, Rambuteau. Bus arrêt Georges Pompidou. Réservation : 01 42 78 46 42 ou essaionreservations@gmail.com. https://www.essaion-theatre.com/spectacle/1045_jean-zay-lhomme-complet.html. Site de la compagnie : https://www.theatreenfusion.com/jean-zay

Photo : David Ruellan.

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