Théâtre : « Emma la clown, la trilogie : le divan, la mort, le vide », de et avec Merieme Menant à La Scala, à Paris.

Bon anniversaire !
Emma la clown est toujours aussi spontanée et positive. Celle qui a commencé par un duo de clown à la sortie de l’école Lecoq a mené sa barque vers les courants contraires de la haute mer au lieu de canoter le long d’un canal. Faire rire à partir de sujets sérieux (et ce, même lorsqu’il s’agit de simples causeries), il faut une audace peu commune pour s’y atteler. D’autant plus qu’elle est seule à la barre : même si elle a une metteuse en scène et une équipe technique, c’est elle qui se fend de la création du texte et des essais d’interprétation.
Pourquoi vouloir traiter de choses aussi sérieuses que la psychanalyse, la mort ou le vide ? Parce qu’elle ne peut pas vivre sans chercher – sérieusement, au point de voyager jusqu’à Bénarès pour s’imprégner de ce que la mort peut représenter – le sens de tout. Manifestement, le public le réalise puisqu’elle témoigne d’une communication qu’elle ressent avec lui comme se situant au-delà des mots… ou du silence. D’âme à âme.
Les trois solos – « je ne pourrais plus créer de nouveaux solos, c’est trop dur », dit-elle, mais on en doute en mesurant l’énergie qui est la sienne – qu’elle donne les 6, 7 et 8 décembre (un par soir) à La Scala correspondent à un anniversaire : 32 ans de scène. Elle a donc choisi ceux qu’elle préfère, et qui ont justement été montés à dix ans d’intervalle. « Emma la clown sous le Divan » est son premier, « Emma Mort, même pas peur » lui vaut régulièrement des témoignages de personnes venues à reculons qui repartent enthousiasmées, « Le Vide » est le tout dernier.
Vouloir explorer le vide – et proposer aux spectateurs et spectatrices de faire de même – est d’autant plus paradoxal que l’âme du théâtre, c’est de remplir. La salle pour éviter l’infarctus au comptable. Le temps pour le suspendre à un cintre. Mais à quoi sert la servante – appelée par les Anglais « ghost lamp » – si ce n’est à chasser les fantômes qui peuplent… le vide ? Ou, sinon, circulent sur scène sous un nom d’emprunt : Godot n’en est-il pas un ? Sans compter que ce solo a été conçu lors du confinement, quand les théâtres étaient vides. Et que, raison ultime, elle répond ainsi, enfin, à la question que Jacques Lecoq lui avait donnée comme thème d’exercice de fin d’année : « Qui demeure dans ce lieu vide ? »
Pierre FRANÇOIS
« Emma la clown, la trilogie : le divan, la mort, le vide », de et avec Merieme Menant. Mise en scène : Kristin Hestad. Lumières : Emmanuelle Faure. Son : Romain Beigneux-Crescent. Plateau : Arnaud Rozé. Fabrication des accessoires : Anne de Vains. Effets magiques : Abdul Alafrez. Construction : Olivier de Logivière. Les 6 (Le Divan), 7 (La Mort) et 8 (Le Vide) décembre à 20 h 30 à La Scala, 13, boulevard de Strasbourg, 75010, Paris. Tél. +33 (0)1 40 03 44 30. https://lascala-paris.fr/programmation/emma-la-clown/

Photo : Pascal Gely.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *