Théâtre : « Le Dindon », par Sophie Lolis et librement inspiré de Feydeau, au théâtre Essaïon, à Paris.

De haut vol.
On y croit, on y rit régulièrement (et parfois aux éclats) et la musique est au diapason du ton de l’ensemble. De quoi s’agit-il ? D’un spectacle musical librement adapté du « Dindon » de Feydeau. Pas si librement d’ailleurs, car on y retrouve les principaux personnages, avec en prime la « Môme Crevette »* alias ceux de Pluplu, Armandine et Clara. Certes, le gérant, les voyageurs ainsi que les commissaires disparaissent et il n’y a plus qu’un serviteur. Mais la troupe met un point d’honneur à recréer une unité entre les délires de Feydeau et les siens, contemporains. Ainsi les dialogues sont-ils à la fois d’époque et actuel. Les allusions contenues dans le texte (au latex) ou la musique (aux séries télévisées) font mouche tandis qu’est conservé l’aspect intemporel de Feydeau. Au rand des changements, on peut encore mentionner, en complément de l’accent anglais de la maîtresse, l’espagnol de la légitime, qui fait autant rire ! La mise en scène est précise au millimètre. Elle se situe entre le vaudeville et l’opérette. Les éclairages, soignés, sont immédiatement interprétables. Les effets sont bien travaillés. Une mention particulière doit être faite au rythme dont les ralentissements sont aussi bien maîtrisés que les accélérations, ce qui est difficile. Les comédiens nous font croire aux personnages et aux situations alors que les premiers sont trop excessifs pour être vrais et que ce qui leur arrive est invraisemblable. Les chorégraphies renforcent l’aspect de folie collective qui les saisit. Musicalement, l’air du café est un moment de drôlerie parfaitement maîtrisé. Pour un peu, on ne se rendrait pas compte que Feydeau a été adapté tant le texte actuel s’est glissé avec habileté dans l’enveloppe du maître de la mécanique du rire. On est dans du divertissement, oui, mais de haut vol et sans trahison de l’original.
Pierre FRANÇOIS
« Le Dindon », librement inspiré de l’œuvre de Feydeau. Adaptation et composition : Sophie Lolis. Mise en scène : Hélène Darche. Avec Sophie Jolis, Anne-Laure Triebel ou Emmanuelle Triebel, Pauline Auriol, Guillaume Nocturne ou Stanislas Clément, Arnaud Patron, Xavier Vilsek ou Antoine de Guili. Au piano : Guillaume Ménard ou Jonathan Goyvaertz. Du jeudi au samedi à 21 h 15 jusqu’au 14 mai au théâtre Essaïon, 6, rue Pierre au lard, 75004 Paris, tél. 01 42 78 46 42, essaionreservations@gmail.com, https://www.essaion-theatre.com/spectacle/949_le-dindon.html, métro Hôtel de Ville, Châtelet, Rambuteau.

*Que Feydeau ne fait apparaître que dans La Dame de chez Maxim’s.

Photo : Pierre François.

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