Théâtre : « Le Jeu de l’amour et du hasard», de Marivaux, au Lucernaire, à Paris. 

Faire du neuf avec du vieux, par Camille Lextray.
Marivaux, bien que novateur pour son temps, peut paraitre désuet par sa prose de nos jours. Combien d'entre nous se sont retrouvés au théâtre, devant une pièce certes très bien écrite et parfaitement jouée, sans parvenir à entrer dans l’histoire car le texte était un obstacle, ne correspondait plus aux usages de notre époque par la forme et non par le fond. Cette mise en scène du Jeu de l’amour et du hasard abat cette barrière linguistique. Le texte est inchangé, le ton et les manières des personnages sont eux tout autres que ceux de l’époque. Arlequin devient un archétype du beauf à la chevelure gominée dont toute la bonne volonté du monde ne permet pas de combler l’écart social qu’il a avec son maitre et de faire illusion. Il est l’allégorie vivante du nouveau riche qui tente d’imiter les comportements qu’il attribue aux riches de naissance et sombre lamentablement dans le ridicule. La pièce est rythmée par des intermèdes filmés qui prolongent l’écriture et permettent d’étayer un peu plus la vision que la metteur en scène a des personnages. Elle s’intègre de manière fluide dans la pièce et ne vient en aucun cas casser la dynamique du jeu. Elle peut même avoir le rôle de respiration. Grâce à ce support, le spectateur s’identifie davantage aux personnages, cerne mieux les caractères. L’image nous donne une réelle impression d’omniscience que la scène ne permet pas toujours. La caméra se faufile partout dans la maison et dévoile véritablement les comportements de chacun. Elle permet aussi d’annoncer de manière subtile la suite des évènements et fait grandir l’attente du spectateur. C’est donc une modernisation parfaitement réussie que donne à voir Salomé Villiers par sa mise en scène.
Camille LEXTRAY
« Le Jeu de l’amour et du hasard », de Marivaux. Mise en scène de Salomé Villiers. Avec Salomé Villiers, Raphaëlle Lemann, Philippe Perrussel, Bertrand Mounier ou Pierre Hélie, François Nambot ou Etienne Launay. Les mardi, mercredi, jeudi vendredi et samedi à 20 heures, dimanche à 18 heures jusqu’au 31 décembre au Lucernaire, 53, rue Notre-Dame-des-Champs, 75006 Paris , tél. 01 45 44 57 34, http://www.lucernaire.fr

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