Émotion vraie.
« Rossignol à la langue pourrie » s’est donné durant des mois à l’Essaïon*. Fort de ce succès plus que mérité, la pièce va à Avignon. Plutôt que de tresser de nouvelles couronnes à ce travail ciselé, on a préféré interroger le metteur en scène, Guy-Pierre Couleau, et la comédienne, Agathe Quelquejay, au sujet des choix esthétiques qui ont été faits.
Les deux se sont rencontrés il y a trois ans. Agathe Quelquejay, qui connaissait les poèmes – et même les moins célèbres – de Jehan Rictus les proposait à Guy-Pierre Couleau qui les retenait ou non, la ligne étant de proposer au public quelques pauses de tendresse ou de douceur pour sortir de la noirceur dominante. La mise en scène comporte toujours des éléments actuels – comme des musiques que l’on peut entendre dans la rue – qui font écho au texte de l’époque.
Si le spectacle comporte quelques poèmes très peu connus, c’est parce qu’Agathe Quelquejay est tombée sur une édition du recueil « Le Cœur populaire ». Touchée par ces derniers, elle a cherché à créer des échos d’un texte à l’autre, un des fils rouges étant que tous concernent des femmes aux différents âges de la vie. L’avantage théâtral de ces poèmes réside dans le fait que Rictus parvient à chaque fois à raconter une histoire vivante, courte et puissante. Guy-Pierre Couleau, qui précise ne pas être spécialement croyant, explique encore combien il est touché par les références christiques de plusieurs poèmes, à commencer par « La Charlotte prie Notre-Dame durant la nuit du Réveillon ».
Sur la façon dont le public reçoit ces œuvres, tous deux rapportent combien les spectateurs se disent touchés par les situations plus que par la langue, qui est plus un parler reconstitué que de l’argot ou qu’un patois. Beaucoup évoquent ainsi la pauvreté, la misère ou les correspondances avec notre époque. Même si, inversement, les deux comparses ont voulu donner la première place à la langue tout en parlant de et à ceux qu’on ne regarde jamais, par exemple les sans domicile fixe qui errent autour de Saint-Merry.
Pierre FRANÇOIS
*https://www.holybuzz.com/2024/01/theatre-rossignol-a-la-langue-pourrie-recits-damour-et-de-misere-en-langue-populaire-poemes-de-jehan-rictus-a-lessaion-a-paris/
« Rossignol à la langue pourrie, récits d’amour et de misère en langue populaire », poèmes de Jehan Rictus. Avec Agathe Quelquejay. Mise en scène : Guy-Pierre Couleau. Lumières : Laurent Schneegans et Delphine Capossela.
Dans le festival off d’Avignon du 5 au 26 juillet à 10 h au Théâtre du Balcon, 38, Rue Guillaume Puy, 84000, Avignon. Tél. : 04 90 85 00 80. https://www.theatredubalcon.org/festival/10h00/
Photo : Lot.