Théâtre : « Au-delà de la pénétration », de Martin Page au Théâtre de la reine blanche, à Paris.

Précis, délicat, paradoxal.
« Au-delà de la pénétration », adapté du livre éponyme, est un spectacle solo qui fait sourire les hommes tandis que les femmes rient ouvertement. Le jeu se situe entre la méditation, la conversation et la conférence : le comédien hésite, se reprend, insiste, cherche le bon argument, change de ton… Tout cela est évidemment millimétré, mais on y croit complètement : le mentir vrai, qui est le principe du théâtre, fonctionne à fond.
Il abat les cartes d’entrée de jeu : « il y a un plaisir à défendre un point de vue… iconoclaste ». Et la suite en est bien l’illustration, ou plutôt les illustrations, car il multiplie les paradoxes, frôlant régulièrement la provocation. « Nous sommes des catastrophes douées de langage », « naturel : mot magique pour justifier une paralysie de l’esprit », « la question est de savoir s’il y a des pratiques obligatoires », « pénétrer, c’est penser qu’on fait l’amour alors qu’on s’en débarrasse », « la sexualité n’est pas une affaire de plaisir, sinon les femmes seraient moins pénétrées et les hommes davantage » ne sont que quelques-uns de ces aphorismes qu’il enchaîne. Mais pas sans ordre : on repère bien qu’ils sont regroupés par thèmes, lesquels suivent une progression qui va de la façon dont la pénétration est plus ou moins bien vécue par les femmes à la recherche d’une relation qui ne serait plus inégalitaire. Le propos est aussi subtilement comique qu’intéressant, technique sans être clinique, contestataire (« la sexualité de gauche est-elle différente de celle de droite ? ») sans être destructeur. En point d’orgue, une courte et belle tirade aborde la question du rôle de l’acteur : « on est traversé par les autres ». Décidément, on y revient toujours.
Pierre FRANÇOIS
« Au-delà de la pénétration », de Martin Page. Adaptation : Isabelle Deffin, Yves Heck, Thierry Illouz. Conception, mise en scène, interprétation : Yves Heck. Assistante à la mise en scène : Marie-Anne Mestre. Sons : Martin Antiphon. Lumières : Abigaïl Fowler. Chorégraphie : Aude Lachaise.
Mardi et jeudi à 21 heures, samedi à 20 heures jusqu’au 25 novembre au Théâtre de la reine blanche, 2 bis, passage Ruelle, 75018 Paris, tél. 01 40 05 06 96, courriel : réservation@​scenesblanches.​com, https://www.reineblanche.com/calendrier/theatre/au-dela-de-la-penetration

Photo : Pierre François.

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