Coup de poing.
« Poil à gratter » est un coup de poing. Cette pièce raconte comment une clocharde vit sa condition. On croit au personnage, et surtout à sa folie, dès la première seconde. Il y a quelque chose de terrifiant et d’hypnotique dans la façon dont elle s’exprime. Le texte est tellement juste qu’on a l’impression qu’il a été rédigé par une personne qui a réellement vécu dans la rue. Pourtant, l’auteur et interprète a simplement observé une mendiante de son quartier et lui a prêté son « grain de folie » sans pouvoir l’approcher puisque l’intéressée refuse tout contact, préférant grimacer ou hurler. Histoire de chipoter, on dira qu’il y a une ou deux longueurs mais, dans l’ensemble, ce spectacle tape dans le mille, que ce soit du point de vue de la forme que du fond. L’auteur est en effet parvenue à sortir de la logique des personnes socialisées (qui cherchent le contact avec autrui) pour entrer dans celle d’une recluse qui utilise sa crasse et ses odeurs pour repousser l’autre et conquérir son espace de trottoir. Bien entendu, ce raisonnement ne vaut que pour le personnage de la pièce et la souffrance due à la solitude est une réalité que vivent la plupart des gens de la rue, mais il y a là une logique interne implacable à laquelle il est impossible de ne pas adhérer tant l’univers de la rue fait basculer dans une autre logique, un autre emploi du temps, d’autres priorités que celles des personnes ayant une vie insérée. Cette pièce a l’immense mérite de mettre en évidence cette rupture avec des codes qui semblent évident à tout le monde.
Pierre FRANÇOIS
« Poil à gratter », de et avec Adeline Piketty. Mise en scène : Laurence Campet. Du 6 au 29 juillet dans le festival off d’Avignon à 14 h 30 à l’Espace Alya, tél. 04 90 27 38 23.
Photo : Pierre Francois.