Théâtre : « L’histoire de Tobie et de Sara » au théâtre du Nord-Ouest, à Paris, puis à l’abbaye de Grestain.

Encore une pépite !
« L’histoire de Tobie et de Sara » est une pièce peu montée de Claudel, qui se joue actuellement au Théâtre du Nord-Ouest, avant de se rendre durant l’été à l’abbaye normande de Grestain.
Elle reprend évidemment le récit du livre de Tobie, dont un extrait est régulièrement choisi lors des cérémonies de mariage (Tb 7, 6 – 14 ou 8, 4b – 8). À la façon de Claudel qui n’hésite pas à mettre dans la bouche du vieux Tobie les propos de Job. Par contre, il ne s’écarte jamais de la Bible, au point que certains voient dans cette écriture un travail d’exégèse (libre par rapport à la rigueur de la méthode, par contre).
Dans la mise en scène d’Édith Garraud, chaque personnage est à la fois bien caractérisé, crédible et nuancé. Le vieux Tobie aveugle est la figure du croyant confiant, homme à la fois de devoir et de foi, serein. Sa femme est une paysanne enracinée dans un bon sens qui n’exclut nullement la spiritualité mais qui la rend vulnérable à la fatigue du travail manuel répété et à l’angoisse de perdre son fils. Leur enfant – qui porte le même prénom que son père – incarne bien l’esprit d’une jeunesse confiante et curieuse de découvrir le monde. On sent que son guide, Azarias, est pleinement dans son rôle mais qu’il émane de lui un quelque chose d’étrange qui le situe au-delà de ce dernier, ce qui rend la révélation finale de sa pleine personnalité d’autant plus intéressante. Sara, enfin, incarne l’intériorité, la méditation bienveillante et vivante. Ce n’est pas vraiment une surprise dans la mesure où c’est dans ces rôles qu’excelle Marie Hasse, ici égale à elle-même pour notre plus grand plaisir. Mais il serait injuste de se focaliser sur elle : la scène du recouvrement de la vue du père – Pierre-François Kettler – par son fils – Antoine Ferrand – est à tirer des larmes, le paradoxe de la mère – Lisa Sans, qui préfigure Marthe sœur de Marie – est parfait (en particulier dans son dialogue avec Sara), le mystère entourant Azarias – Vincent Gauthier – est tout aussi parfaitement dosé. Seule la musique, sans doute d’inspiration yogi ou new age, tombe à côté, mais qu’importe puisqu’elle n’occupe qu’une place très réduite.
Pierre FRANÇOIS
« L’histoire de Tobie et de Sara », de Paul Claudel. Avec Antoine Ferrand, Vincent Gauthier, Marie Hasse, Pierre-François Kettler, Monique Lancel, Frédéric Ligier, Lisa Sans. Mise en scène : Édith Garraud. En alternance au Théâtre du Nord-Ouest, 13, rue du faubourg Montmartre, 75009 Paris, métro Grands boulevards, tél. 01 47 70 32 75, www.TheatreDuNordOuest.com

Photo : Pierre Francois.

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