Festival off d’Avignon : « L’Affranchie », de et avec Pauline Moingeon au Laurette théâtre à 17 heures.

Vrai.
« L'Affranchie » est un spectacle qui sonne tellement vrai que nombre de spectateurs en sortent avec la conviction qu'il est autobiographique ! En fait, l'histoire racontée remonte à une génération avant celle de la comédienne : c'est sa mère qui s'est trouvée avoir été adoptée par une marâtre. C'est d'ailleurs la voix de cette dernière qu'on entend parfois sur la bande son. Pour cette raison, la comédienne s'est appliquée à maintenir une distance entre son personnage et elle, la proximité étant réalisée par l'émotion contenue dans cette voix invisible.
Le début du spectacle laisse – volontairement – planer un mystère. Qui parle, qui parle de qui, de quoi s'agit-il ? C'est peu à peu que le voile se lève, comme ce fut le cas pour l'intéressée. À travers les bruits écoutés et interprétés d'un immeuble, c'est une sensibilité qui se dévoile d'abord. Puis on est saisi par la poésie du texte. Enfin, voyant ce personnage étrange et fragile plonger ses yeux dans ceux du public, on se rend compte qu'en fait elle est en train de plonger en elle-même. Cette séquence a duré moins de cinq minutes, mais elle a mis tout un univers en place et le récit peut commencer.
Si le sujet est grave, il est traité sans faire souffrir le spectateur. Les questions essentielles que cette femme s'est posée – qu'est-ce qu'une « vraie » mère, peut-on aimer la photo de sa génitrice au point de se confier à elle, sera-t-on capable de devenir mère à son tour ? – nous sont transmises. Rien n'est caché des difficiles dialogues avec les psychiatres ou des souvenirs pénibles. Tout cela touche la part d'enfance fragile qui reste en chacun de nous, mais aucune tristesse ne vient gâcher la réception de ces confidences. Parce que la comédienne a la délicatesse d'interpréter son personnage au plus juste (tout au plus peut on remarquer un ou deux brefs passages qui semblent un peu forcés). Parce qu'à la poésie du verbe elle ajoute une poésie du geste. Parce qu'à « la mélancolie » qui « est le bonheur d'être triste », selon Victor Hugo, elle oppose le fait que « la vie est simple et belle comme une immense comédie », ainsi que le dit le père de son personnage.
Pierre FRANÇOIS
« L'Affranchie », de et avec Pauline Moingeon. Mise en scène : Elise Touchon Ferreira. Au Laurette Théâtre d'Avignon du 5 au 29 juillet 2018 à 17 heures, tél. : 06 64 99 59 79.

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