Pour la paix sociale.
« Être citoyen, ce n’est pas vivre en société, c’est la changer. »*. Ainsi parlait Augusto Boal (1931 – 2009), un docteur en chimie devenu metteur en scène dans l’Amérique latine des années de dictatures diverses. À la recherche d’une forme de théâtre social contestataire, il met au point le concept de spect-acteur au sein d’une forme de spectacle social dénommée « théâtre de l’opprimé ». Des « Théâtre de l’opprimé », il en laisse plusieurs derrière lui au gré de ses exils successifs. Dont un à Paris.
C’est là que Théo Bonin a appris l’art dramatique. Parti en Bolivie puis au Pérou depuis 2011, il était normal qu’il prenne contact avec la branche latino-américaine de cette école de pensée. Qui est localement très développée. Qu’on en juge : le Théâtre Trono, véritable institution bolivienne depuis 1989, est ainsi composé d'anciens enfants des rues. C'est dire si son répertoire est peu théorique et fondamentalement pratique. Il compte 25 pièces de créations collectives et 14 adaptations. Certaines, jouées d’abord pour le public des quartiers populaires d’El Alto, sont maintenant reconnues nationalement – plus de 1000 représentations devant environ 300 000 personnes – et internationalement – ses 23 tournées en Europe et dans toute l’Amérique totalisent 170 représentations devant 50 000 personnes.
C’est en collaborant avec cette troupe qu’il se rend compte du parallèle qui existe entre la société dans laquelle il a atterri et celle dont il est issu. Dans les deux cas, une société malade est ou a été affectée par de brutaux accès de fièvre qui prennent la forme d’émeutes. Nous avons tous en mémoire les affrontements dans les « cités » en 1995, 1997, 1998, 2005, 2007… ainsi que les noms de Vaulx-en-Velin, Rillieux-la-Pape, Dammarie-les-Lys, Le Mirail, Les Minguettes, la Goutte-d'Or, Strasbourg, Avignon, Clichy-Montfermeil, Clichy-sous-Bois, Évry, Grigny, Corbeil-Essonnes, Brétigny-sur-Orge, Grenoble, Trappes. Ou le film « La Haine », dont le générique de début reprend des images de révolte tournées en 1994.
Si en Amérique latine le théâtre a réussi à apporter sa pierre à une fin de ces violences, pourquoi n’en serait-il pas de même ici ? C’est le raisonnement qu’a tenu Théo Bonin et qui l’a incité à demander à cette troupe reconnue (au point d’être accueillie ce 5 avril à l’Unesco) de venir jouer en France. Elle arrive ici, puis en Espagne, avec sa trilogie – surtitrée – à succès « Hoy se sirve » – « Arriba El Alto » – « Hasta la ùltima gota », déjà connue en Allemagne, Argentine, Brésil, Colombie, Équateur, Danemark et Pérou. Dont les thèmes vont du plus général – comment il était prévisible que les transformations rapides en Amérique du Sud engendrent de la violence, avec « Hoy se sirve » – au particulier – le conflit né en 2001 à la suite de la privatisation de l’eau potable par une société commerciale, avec « Hasta la ùltima gota », spectacle plutôt destiné aux jeunes – en passant par l’échelon national : « Arriba El Alto » narre l’épisode de la guerre civile qui s’est déroulée à El Alto avant l’élection d'Evo Moralès à la présidence bolivienne. On peut donc ne voir qu’une ou deux de ces pièces dans la mesure où elles ne sont pas chronologiquement liées.
Pierre FRANÇOIS
« Hoy se sirve » – « Arriba El Alto » – « Hasta la ùltima gota », par le Théâtre Trono, membre de Compa (Communauté de producteur d’art ) à EL Alto en Bolivie.
Les 7 et 8 avril, en espagnol surtitré, au Théâtre de Verre, 12, Rue Henri Ribière, 75019 Paris. Vendredi 7 : « Arriba El Alto » à 20 h 30. Samedi 8 : « Hoy se sirve » à 20 h 30. Tarifs : 10€ / TR 5€ (+ adhésion annuelle à l'association Co-Arter : 4 €). À chaque fois, un spectacle + un débat + un plat unique pour tous. Réservations : Camila, tél. 06 32 46 34 43, camilabellawaldorf@gmail.com
Le 16 avril au Théâtre de L’Épée de bois – Cartoucherie de Vincennes, route du champ de manœuvre, 75012 Paris, métro Château de Vincennes + navette gratuite ou bus 112, la trilogie complète avec à 14 h 30 « Arriba el Alto », à 15 h 30 « Hoy se sirve » et à 16 h 30 « Hasta la ùltima gota », spectacles en espagnol surtitré. Durée : 45min chaque spectacle. Réservations auprès de Camila Cadavid au 06 32 46 34 43. Tarif unique : 15 €, enfants : 5 €.
Du 20 au 22 avril à 20 h 30 « La Bolivie en scène à Paris » au Théâtre de L’Opprimé, 80, rue du Charolais, 75012 Paris, métro Montgallet, tél. 01 43 45 81 20. Réservations auprès de Camilia au 06 32 46 34 43.
* citation qui fait écho à cette autre, de Bourdieu : « La société ne serait-elle pas un collectif d’individu qui devraient travailler ensemble pour atteindre une paix sociale commune ? »
Photo : Pierre Francois