Magistrale, par Camille Lextray.
Le premier quart d’heure de la pièce met directement en place l’atmosphère d’une jeunesse mêlant les jeux d’enfants à la tragédie d’une mort précoce. Le cache-cache, emblème des rires mais aussi de la peur et de l’abandon dans une maison qui se vide peu à peu de ses habitants, place immédiatement le spectateur dans cette histoire pesante et mélancolique. Léopoldine représente « l’enfance perdue » tandis qu’Adèle est « la mélancolie maladive ». Les deux filles de Victor Hugo ont connu un destin tragique : l’une morte trop jeune et brutalement et l’autre devenue folle d’attendre à son tour une mort trop longue à venir, se retrouvant bloquée dans une vie qu’elle ne pouvait supporter.
La vie de Léopoldine est célèbre, mais celle d’Adèle est moins connue. Les deux destins sont cependant une matière romanesque exquise. Les deux comédiennes sont admirables. Le jeu est fin, puissant, émotionnellement juste et profond. Le spectateur ressort de la pièce sonné, n’osant pas immédiatement rompre le silence qui suit les applaudissements préférant rester muet pour réfléchir encore à ce qu’il vient de voir et de ressentir.
Le texte, entrecoupé de vers de Victor Hugo dédiés à ses filles, est splendide. Malgré un thème qui peut pousser à verser dans les bons sentiments, à aucun moment les comédiennes ne tombent dans la facilité c’est-à-dire le larmoyant et le pathos. C’est tout simplement beau et profond. La pièce est magistrale.
Camille LEXTRAY
« Hugo de père en filles », de Filip Forgeau. Texte (librement inspiré de l’œuvre de Victor Hugo et de la vie d’Adèle et Léopoldine Hugo) et mise en scène de Filip Forgeau. Avec : Soizic Gourvil, Laurianne Baudouin et la voix de Daniel Mesguish. Lumière : Michaël Vigier. Univers sonore et construction du décor : Lionel Haug. Compagnie du Désordre. Du mardi au samedi à 20 h 30, samedi et dimanche à 16 heures jusqu'au 23 octobre au Théâtre de l’épée de bois , Route du Champ de Manœuvre 75012 Paris, 01 48 08 39 74, http://www.epeedebois.com