« Cyrano de Bergerac » d’Edmond Rostand au Théâtre du Ranelagh à Paris.

Bien né, par David Westphal.
Le Théâtre du Ranelagh, tel qu'on peut l'admirer encore aujourd'hui, est contemporain de la création de Cyrano de Bergerac (1894). Il prête merveilleusement ses élégantes boiseries peintes aux envolées si savoureuses du personnage de Rostand, et en l'absence de décor sur le plateau, Jean-Philippe Daguerre, le metteur en scène, a su tirer parti de ses baignoires et balcons à la française pour créer les variations de lieux qu'impose la pièce.
Mais qu'on ne s'y trompe pas. Cette sobriété de moyens n'enlève rien au souffle épique de l'histoire. Elle trouve d'ailleurs une compensation dans l'énergie déployée sur scène par les comédiens de la compagnie du Grenier de Babouchka, qui nous prouvent que le talent est bien plus utile au théâtre que la richesse du décor, et que, porté par une telle qualité, un texte bien né se suffit à lui même. Ils portent le spectacle à bout de bras, sans temps morts, avec une truculence et une joie communicatives, enchaînant sans faux pas les scènes tour à tour gaies, tendres et graves. Ils ont aussi et surtout le bon goût de nous laisser apprécier cette langue de Rostand, trait d'union délicieux entre les vers du théâtre classique et une prose plus contemporaine. C'est un plaisir finalement assez rare que de sentir une salle populaire mais initiée, dans l'attente d'une tirade, d'un bon mot, d'une langue si douce à ses oreilles. Ce plaisir, c'est notamment au cinéma et à son pouvoir de diffusion qu'on le doit. Qu'il soit remercié d'avoir popularisé quelques grandes scènes du théâtre français.
En dépit de quelques coupes apportées au texte original, le personnage de Cyrano, interprété par Stéphane Dauch, ne quitte presque pas la scène. S'accommodant d'un nez de commedia dell'arte, il exprime avec justesse les contrastes de son personnage : son courage physique et sa timidité amoureuse, sa pudeur déguisée sous ses fanfaronnades. Il est épaulé en cela par un violoniste qui apparaît sur scène comme son double et qui tantôt illustre le propos, l'accompagnant de douceur, tantôt le dynamise. Quelques scènes ont ainsi, comme au cinéma, leur « bande son » -signée de Petr Ruzicka- et les sentiments de Cyrano n'en sont que plus sensibles.
Ajoutés à ce choix de mêler le théâtre et la musique, des costumes d'époque et quelques combats bien réglés achèvent de donner à ce spectacle une tournure assez classique mais dynamique et de belle qualité.
David Westphal
« Cyrano de Bergerac » d'Edmond Rostand. Mise en scène de Jean-Philippe Daguerre. Avec : Stéphane Dauch, Charlotte Matzneff, Simon Coutret, Edouard Rouland, Yves Roux, Antoine Guiraud, Emilien Fabrizio, Geoffrey Callènes, Nicolas Le Guyader, Mona Thanaël, Aramis Monroy (violon). Arrangements musicaux, Petr Ruzicka. Combats, Simon Gleizes. Costumes, Corinne Rossi. Scénographie, Vanessa Rey. Jusqu'au 28 novembre du mercredi au samedi à 20 h 45, matinée samedi à 16 h 30, dimanche à 17 heures puis jours variables jusqu'au 10 janvier au Théâtre du Ranelagh, 5, rue des vignes 75016 Paris. Location :  01 42 88 64 44, www.theatreranelagh.com.

Photo : Rappeneau.

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