Théâtre : « Cyrano », d’Edmond Rostand à La Scène libre, à Paris.

Original et réussi.
« Cyrano » est une version raccourcie de « Cyrano de Bergerac ». Certes, on peut regretter l’absence du dialogue « Cent hommes ! Quel courage ! – J’ai fait mieux depuis ! » ou le récit du voyage lunaire se concluant par « Le quart d’heure est passé, Monsieur, je vous délivre / Le mariage est fait. »
La pièce est néanmoins très convaincante et on ne manque pas, comme d’habitude, de pleurer au siège d’Arras. En effet, la « comédie héroïque » devient ici une introspection sentimentale et psychologique (au point que l’on entend à peine les « ah ! » qui ponctuent les moments d’émotion grandissante). Car Cyrano, c’est un peu chacun et chacune de nous en butte à une estime de soi en berne. Cette lecture, d’autant plus audacieuse qu’elle aboutit à ce que tous les membres de la troupe soient affublés du fameux nez, fonctionne parfaitement.
Elle donne même naissance à des interprétations aussi originales que légitimes de scènes archiconnues. La présentation du régiment façon haka (la pièce comporte plusieurs chorégraphies renforçant la vision partagée du personnage), la rythmique du texte qui met en valeur le regard intérieur du sujet, la remise de la première lettre (« Roxane croira que c’est dit pour elle. ») par Cyrano à Christian dans un geste et un éclairage qui soulignent le pacte qui se scelle, Cyrano qui laisse tomber la lettre et la récite quand Roxane dit « Comme vous la lisez, – cette lettre ! », ce qui transforme une ancienne fiction en authenticité, tout cela est parfaitement crédible, même si ce faisant l’on s’éloigne des didascalies de l’auteur.
Quant au fait que tous les comédiens et comédiennes soient vêtus identiquement – jean gris et chemise ou chemisier blancs bouffants – et puissent jouer n’importe quel rôle sans égard au sexe du personnage, il tient certes de la performance, mais surtout souligne ce qui est dit au début : Cyrano qui ne s’aime pas parce qu’un détail de lui-même lui déplaît alors qu’il est aimable en son entier, c’est tout le monde.
Pierre FRANÇOIS
« Cyrano », d’Edmond Rostand. Avec Camille Arrivé, Clémence Baudouin, Sarah Bretin, Caroline de Touchet, Robin Hairabian, Guillaume Lauro Lillo, Lorraine Résillot et, en alternance, Lina Aucher ou Romain Armadeilh. Mise en scène : Romain Chesnel et Caroline de Touchet. Du mercredi au vendredi à 19 heures, samedi à 17 h et 19 h, dimanche à 17 heures jusqu’au 17 mars à La Scène libre, 4, boulevard de Strasbourg, 75010, Paris. Réservations : 01 42 38 97 14, https://le-theatrelibre.fr/event-pro/cyrano/

Photo : Cie Aquaviva.

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