Théâtre : le spectacle continue (1)

Qui a dit qu’il ne se passait plus rien du côté des théâtres ? Ces derniers s’adaptent… Aujourd’hui Emmanuel Ray et son Théâtre en Pièces, à Chartres.
Emmanuel Ray est-il heureux d’être un chanceux ? On peut se le demander. Car la chance qu’il a est d’être tellement en phase avec ses contemporains – presque visionnaire – qu’il crée « Richard III » au moment où notre société veut se perpétuer comme si de rien n’était malgré les symptômes de changement nécessaire – et la pièce se termine avec le roi sur sa balançoire qui veut continuer à jouer – et où la pièce qu’il avait commencé à répéter avant le confinement est « Fratelli », une histoire de couple confiné à Paris.
Alors, le confinement que nous vivons tous a-t-il été une surprise pour lui ? Oui, dans la mesure où, si, comme tout le monde, il sentait venir des limitations, il n’aurait jamais imaginé un confinement intégral. Lequel est arrivé du jour au lendemain. C’est le dimanche, alors qu’il était en route pour assurer le deuxième jour d’un stage, qu’on lui a dit de rebrousser chemin, ce dernier étant annulé. Pendant toute la semaine, la troupe s’est réunie pour réfléchir aux possibilités d’adaptation. « Jusqu’au 20 mars, on se demandait ce qui se passait », confie-t-il.
Au début, il a cru qu’en 15 jours le problème serait résolu, puis s’est demandé si ce n’était pas la fin du monde et, sans réponse, s’est mis chaque jour à chercher comment occuper les lendemains.
Alors que tout le monde commençait à mettre des spectacles en ligne, il s’est posé la question de l’acte théâtral, de cette interaction magique entre la scène et la salle, chacun ressentant les émotions de l’autre. Mais le spectateur a-t-il envie de recevoir aussi les postillons de l’acteur ? Est-ce la fin du théâtre tel qu’on le connaît depuis l’Antiquité ? Cependant, il y a eu d’autres épidémies, autrement plus mortelles, et notre monde a continué malgré tout.
Car la proximité – physique comme émotionnelle – du théâtre en fait un produit de première nécessité (en même temps, on ne peut pas nier que le confinement, du point de vue personnel et familial, soit un bien en ceci qu’il donne le temps de parler de l’essentiel). Alors est née « l’idée du camion ».
L’idée du camion, c’est tout simplement d’utiliser celui de la troupe pour le surmonter d’une scène et d’aller ainsi de marché en marché, lorsqu’ils rouvriront. Dans un premier temps, il ne s’agira même pas de parader, juste de se laver soigneusement les mains pendant dix minutes ou de remplir une poubelle de mouchoirs. De toute façon, dans le brouhaha d’un marché, personne ne les entendrait. L’enjeu est juste d’être là, de faire partie du décor et d’apporter, par une simple présence, le sentiment d’une vie quasi-normale. Dans un second temps, il envisage du mime du haut de son camion, histoire de faire comprendre qu’il y a quelque chose en préparation au théâtre. Et enfin, quand les petites salles rouvriront – en respectant les contraintes sanitaires – c’est, comme d’habitude, dans cette enceinte que « Fratelli », de Dorine Hollier, sera donnée en entier. Mais laissons-le, il est en train de répéter son texte…
Pierre FRANÇOIS

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