Théâtre : « La Colombe et l’épervier », de et mis en scène par Benoît Marbot au théâtre de Nesle.

Génie et fragilité.
« La Colombe et l'épervier » est déjà un régal à la lecture. Pas étonnant, son auteur, Benoît Marbot, fait partie de ces quelques personnes encore capables d'écrire dans un style littéraire classique. Comme en plus il a intégré dans ce dialogue – il vaudrait mieux parler de scène de rupture à fleurets mouchetés entres personnes sachant se tenir – des extraits de la correspondance de Juliette Récamier avec François de Chateaubriand, on imagine la beauté du verbe.
Car l'une et l'autre furent amants trente ans durant, se retrouvant et se séparant régulièrement. Ici, à l'occasion de la nomination de Chateaubriand comme ambassadeur près le Saint-Siège. Son comportement dans son précédent poste à Londres avait abouti à ce que le pape exige qu'il mène cette fois-ci une vie conforme aux promesses de son mariage. Il part donc avec sa femme, sans madame Récamier qui a pourtant été la cheville ouvrière de sa promotion.
Ce qui est réjouissant dans cette pièce, c'est que le jeu est à la hauteur du texte. Chateaubriand est exactement le monstre de vanité et d'égoïsme que les amis de Juliette lui avaient décrits pour la dissuader de s'attacher à ce coureur de jupons incapable d'aimer une autre personne que lui-même. Et madame Récamier est cette femme à la fois intelligente, fragile et pleine d'un esprit de répartie qui provoque souvent le rire du spectateur.
Où était leur complémentarité ? On se le demande encore. Peut-être y a-t-il une piste à explorer dans le fait que tous deux sont rongés par le doute. Lui se prend pour un écrivaillon qui sera vite oublié, elle se demande si elle est encore belle et tous deux sont géniaux ; lui pour coucher ses sentiments sur le papier, elle pour le convaincre de continuer à écrire et circonvenir les personnes qu'il faut pour arriver à ses fins.
C'est typiquement une pièce qui instruit tout en distrayant : du vrai théâtre en somme…
Pierre FRANÇOIS
« La Colombe et l'épervier », de et mis en scène par Benoît Marbot. Avec Marion Trémontels et Adrien Michaux. Costumes : Pierre Varache. Mercredi à 19 heures et dimanche à 15 heures jusqu'au 10 avril au Théâtre de Nesle, 8, rue de Nesle, 75006 Paris, métro Odéon, Pont-neuf, tél. 01 46 34 61 04, www.theatredenesle.com. Relâche les 24 mars et 7 avril.

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