Livre : « Chanter pour Dieu », de Grégory Turpin, chez Le Passeur éditeur.

Autobiographie spirituelle.
« Chanter pour Dieu » est comme une bouteille d'eau de source : rien de plus banal, mais rien de plus nourrissant non plus. Avec fraîcheur, il aligne des choses sues, mais qu'il est utile de répéter tant elles restent vraies. Alors que décriées  (par exemple « la réussite, ce n’est pas ce que l'on gagne, c'est ce que l'on aura laissé »). Aucun excès partisan dans son engagement, il se contente – ce qui est énorme tant c'est rare – de témoigner. 
Les formules sont toujours pertinentes. La structure de son livre est claire, limpide. Chaque chapitre est divisé en plusieurs rubriques et il est rare d'y relever digressions ou confusions. Son langage est contemporain (« le côté obscur de ma vie »,  « je reçois parfois des messages de femmes – et pas que des femmes d'ailleurs – qui se font des films complètement fous »…).
Ce témoignage est ouvert sur l'intervention de Dieu dans nos vies d'une façon réaliste. Pas de merveilleux dans ce livre, juste un émerveillement régulier et discret lié à certains moments (« Cette expérience, si déterminante pour ce jeune homme, est arrivée justement à un moment où je me demandais si j'étais vraiment utile. »). Et une vraie lucidité quant à la condition d'artiste (« Aujourd'hui, si le monde du business musical m'utilise, j'utilise ce que ce monde m'offre pour aller plus loin et offrir davantage. Et pourquoi me plaindre ? Je suis sans doute un « produit », mais un produit à qui on laisse une totale liberté pour dire ce qu'il a envie de dire. »). Lucide, il l'est aussi quant aux recettes d'un succès durable ou de mode, y compris dans le genre religieux. Il sait encore citer des passages de l’Écriture pour illustrer des phénomènes parfaitement actuels. Ou résumer en deux phrases une vérité connue, mais qu'il est bon de rappeler (« Ce qui se passe en moi, et qui est de l'action de Dieu, devient exemple pour ceux qu m'observent. Ce n'est pas moi l'exemple, c'est le travail fait en moi » ou « si l'on est pas habité par un ferment de miséricorde et de bienveillance à l'égard de tous, il n'est pas possible de s'engager avec Dieu en son nom », entre autres formules du genre). 
Car le livre de Grégory Turpin peut aussi servir d'engrais pour la vie spirituelle. On sent que le chanteur engagé qui a fait un essai de vie religieuse en a conservé quelques bienfaisantes séquelles. Ainsi confesse-t-il qu'il a « fait quelques progrès lorsque [il a] compris que l'humilité n'était pas de se regarder misérable, mais de se regarder lucidement, en vérité, en toute objectivité » ou que la prière ne devait pas être considérée « comme une roue de secours ultime, mais comme la seule chose qui demeure fiable ».
Ses observations s'étendent aussi à autrui lorsqu'il relève qu'il « est facile de voir à quel point un regard d’amour bienveillant et une parole charitable peuvent relever une personne, la reconstruire complètement » ou confie avoir « le sentiment que nous sommes plus facilement enclins à la facilité qu'au mal ».
Ce faisant, il n'occulte aucun des problèmes de l’Église, notamment en matière d'évangélisation : « Comment trouver le moyen d'alimenter le noyau des pratiquants dont les exigences augmentent et ceux des périphéries qui voudraient goûter aux richesses du Dieu de la Bible ? Le défi est là et il est urgent d'en prendre conscience. La nourriture spirituelle doit être adaptée à chaque régime ».
Bref, lire son livre, c'est un peu comme faire une promenade vespérale en compagnie d'un moine qui ne dit rien d'extraordinaire mais se contente de confesser ce qu'il a lentement appris de son Maître.
Pierre FRANCOIS
« Chanter pour Dieu », de Grégory Turpin. Le Passeur éditeur, 216 pages, 18,50 €, ISBN 978-2-36890-510-4

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