Théâtre : entretien sur « Sacré sucré salé », à venir au Théâtre de l’aquarium (Cartoucherie) à Paris.

Spiritualité culinaire
« Sacré sucré salé »* est un spectacle qui se donnera du 8 au 26 mars au Théâtre de l'aquarium. Son sujet ? La nourriture et les religions du Livre. La genèse de cette pièce est amusante : à l'occasion de la préparation du festival « Taste, une question de (bon) goût » à Metz et Thionville en janvier 2012, lequel avait pour sujet la nourriture, Jean Boillot, directeur du Nest de Thionville, donne carte blanche à Stéphanie Schwartzbrod pour créer un spectacle autour de ce thème. Selon la petite histoire, il fut un peu surpris du résultat – une pièce aussi comique que didactique sur les habitudes, interdits, et symboles alimentaires dans les trois religions monothéistes – mais honora parfaitement son engagement.
Comment  Stéphanie Schwartzbrod en est-elle arrivée à traiter un sujet aussi spécialisé ? Elle avait déjà rédigé plusieurs livres de cuisine lorsque vers 2007 elle cherche un nouveau sujet à traiter dans le même veine. À l'époque, nouvellement convertie, elle fréquente la Fraternité monastique de Jérusalem et en particulier les sœurs et leur cuisine. C'est par elles et au cours de quelques enseignements qu'elle apprend le rapport de la foi avec la nourriture, spécialement au moment de certaines grandes fêtes. Ça y était, elle tenait son sujet. Le livre, sorti en 2007 chez Actes Sud et qui prend la forme d'un calendrier un peu particulier des fêtes liturgiques, s'intitule logiquement « Saveurs sacrées – Recettes rituelles des fêtes religieuses ».
Elle y explique comment la tradition juive a dû puiser dans sa propre histoire et notamment l'étymologie de sa langue pour mettre au point les recettes correspondant aux fêtes. On peut trouver la source originelle de cette démarche dans le mot hébreu « okbel », qui signifie à la fois « manger » et « Dieu se donne en totalité ». Ainsi, le gâteau aux dattes mangé lors de Pourim n'a aucun rapport avec la saveur de ce fruit mais bien avec le fait que « datte », qui se dit « tamar », a la même racine que « yétamou », qui signifie « anéantissement », ici celui programmé des Juifs par Aman tel que rapporté au livre d'Esther. De la même façon, les recettes farcies évoquent alors le fait que Dieu était caché et les beignets la tête grosse mais vide du candidat persécuteur.
La tradition chrétienne, quant à elle, a plutôt puisé dans les rites païens qu'elle a supplantés. La bûche de Noël en est un exemple évident, mais aussi les crêpes de la Chandeleur, symbole du retour du soleil par leur forme. L’Épiphanie, quant à elle, commande la galette des rois à cause de la symbolique de l'amande et de la pâte feuilletée. Un chapitre spécial – et un tableau, dans le spectacle – est consacré à l'Eucharistie, repas s'il en est, qui s'origine dans celui de Séder lors de Pessah. Un autre est consacré au carême.
Concernant l'islam, Stéphanie Schwartzbrod dit être particulièrement sensible aux menus du ramadan. Boire du lait et manger des datte au moment de la rupture du jeûne y est un symbole de douceur, de pureté et d'humilité. Et si les repas nocturnes sont si copieux, c'est à cause du commandement de l'aumône qui doit être faite au pauvres, d'où le fait que ces derniers se tiennent parfois en pleine rue. On se ressert parce que plus on mange plus on est protégé. Et, symétriquement, on donne beaucoup parce que plus on donne plus on honore l'invité. Refuser est donc une offense.
Dans son spectacle,  Stéphanie Schwartzbrod explique qu'elle a voulu à la fois expliquer et faire rire. Elle n'hésite donc pas à flirter avec le burlesque en incarnant, par exemple, un rabbin orthodoxe  qui finit de donner ses instructions pour taper du pied ou lancer des youyou dans un état d'ébriété avancé lors de la fête de Pourim incitant à la réjouissance… Au féminin, elle incarne régulièrement la mère juive. Côté « sérieux », elle inclut deux textes, l'un de Valère Novarina – « Le Repas » – et l'autre de Fabrice Hadjadj – « Gabbatha » – qui complètent l'inventaire symbolico sensuel de ce « cabaret mystico drôlatique ». Lequel se termine, évidemment, par une dégustation.
Pierre FRANÇOIS
*« Sacré sucré salé », cabaret mystico drôlatique et nourrissant de et avec Stéphanie Schwartzbrod. Mise en scène : Stéphanie Schwartzbrod et Nicolas Struve. Du mardi au dimanche à 19 heures du 8 au 26 mars au Théâtre de l'aquarium dans le cadre du cycle « Paroles de femmes », route du champ de manœuvre, Cartoucherie, 75012 Paris, tél. : 01 43 74 99 61, www.theatredelaquarium.com

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *