« Fin de partie », au théâtre Essaion de Paris.

Pur jus ! « Fin de partie », à l'Essaion, est du Beckett – avis aux amateurs – et du bon ! Le texte est bien mis en valeur. Le jeu fait ressortir les différents domaines – de l'intellectuel au charnel, de la fausse rivalité à la vraie pudeur – vers lesquels l'auteur se tourne pour exprimer son monde et la dimension absurde, donc comique, d'icelui. On remarque particulièrement les personnages des « géniteurs », interprétés tout en finesse. On retrouve chez le serviteur, Clov, le même dévouement viscéral, mais nié, que celui des vagabonds d'« En attendant Godot », Vladimir et Estragon. Le personnage principal, Hamm, cherche à maîtriser le monde intérieur de son esclave, comme une compensation à son impuissance à se mouvoir dans le monde tout court.
On se promène sans cesse entre des ambiances inattendues, philosophiques ou naturalistes. Ce cocktail a quelque chose de fort, étrange et drôle, comme la promenade dans un labyrinthe. La surprise est toujours là, intimement mêlée à des répétitions, et mène régulièrement à une vue absurde ou furtivement drôle de l'existence.
Derrière des dialogues apparemment banals et brutaux se cache (mal) une interrogation inquiète et permanente sur le sens de la vie. Mais le spectateur reste libre d'adopter le point de vue pessimiste de « Réfléchissez, vous êtes sur la terre, c'est sans espoir » ou celui, plus optimiste selon lequel « -Il pleure -Donc il vit. ». Un seul thème est imposé : la vie est tragique. Mais nombre d'entre nous le savaient déjà…
Oui, vraiment du grand Beckett, très bien servi !
Pierre FRANÇOIS
« Fin de partie », de Samuel Beckett. Avec Philippe Catoire, Gérard Cheylus, Marie Henriau, Jérôme Keen. Mise en scène : Jean-Claude Sachot. Du jeudi au samedi à 21 h 30 jusqu'au 4 avril à l'Essaïon, 6, rue Pierre au lard, 75004 Paris, tél. : 01 42 78 46 42, www.essaion.com

Photo : Benoist Brione.

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