Monde parallèle ?
« La Malédiction du cygne » est une pièce merveilleusement bien jouée. Certes, l’on regrette que le texte ignore les codes du théâtre, qui auraient permis de lui insuffler un vrai rythme. Il faut donc compter sur la mise en scène pour y arriver.
Mais revenons aux personnages. On croit dès les premières secondes à ce couple d’âge mûr en plein débat. On a ensuite la surprise d’apprendre qu’il n’est pas centré autour de leur enfant. Quant à la jeune fille dont il est question, son rôle est tenu avec une ambiguïté tout à fait bienvenue. Est-elle à la jonction de notre monde et d’un autre, parallèle, comme les médiums ? Est-elle passée de l’autre côté du miroir ? Folle ? Quels sont ces secrets qu’elle ne peut dévoiler ? Même si la révélation du mystère vient bien (trop ?) tard, son étrangeté suscite sans cesse la curiosité.
Le jeune couple joue – spécialement la scène de l’explication-rupture – avec une vérité incroyable. La femme offre à voir toutes les nuances de l’émotion, de la tentative de comprendre et rattraper au désespoir digne. Le mari est ligoté par une attirance qu’il ne maîtrise pas et des explications qu’il est incapable de formuler avec précision. On connaît tous des unions qui se sont terminées par ce type de dialogue.
La mère incarne la bienveillance même de celle qui a vécu et retenu les leçons de la vie. Elle est maternelle tant (et peut-être même plus) avec sa bru que son fils, sans doute parce qu’elle avait discerné chez ce dernier des dispositions négatives dont elle espérait que le mariage le guérirait.
Le voisin, dans sa simplicité apparente, est celui qui donne la clef de la légende. Paysan tranquille, il est celui qui connaît les récits du pays, même s’il n’y accorde pas de crédit.
Il règne au cours de toute la pièce une atmosphère fantastique qui rend bien compte du fait que nous sommes face à une légende. Il faut s’y laisser prendre.
Pierre FRANÇOIS
« La Malédiction du cygne », d’Anne-Marie Sapse. Avec Delphine André, Rosalie Bonneville, Albert Dufer, Julie Léger, Véronique Multon, Christophe Rouillon. Mise en scène : Frédéric Thérisod. Costumes : Gundrun. Lumières : Charly Thicot. Musique : Peteris Vask, Sibelius.
Du jeudi au samedi à 21 h 30 jusqu’au 21 juin à La Folie théâtre, 6, rue de la Folie Méricourt, 75011 Paris. Tél : 01 43 55 14 80, https://www.folietheatre.com/?page=Spectacle&spectacle=465
Photo : Fred Fayt.