Théâtre : « Nos pères ne rêvent plus en roumain », de la compagnie des mondes invisibles au théâtre La Flèche, à Paris.

Le silence interrogé.
« Nos pères ne rêvent plus en roumain » est une pièce qui n’a pas besoin que l’on demande « un tonnerre d’applaudissements » pour les obtenir. Son thème ? L’exil, mais vu par la deuxième génération, celle qui est française et qui ne comprend pas ce que disent les parents lorsqu’ils parlent à leurs amis. Celle à qui l’on promet qu’on leur fera visiter le pays de leur origine « l’été prochain », éternellement repoussé. Celle qui sent que quelque chose d’important lui échappe, qu’une transmission ne se fait pas.
L’on sent entre les deux jeunes comédiennes roumaines — et elles en jouent parfois — une vraie complicité, un désir intense d’explorer la question du silence. « je n’ai pas le sentiment d’avoir oublié, mais celui de n’avoir jamais pu apprendre », dit l’une d’elles. Ou, en l’exprimant de façon plus crue : « Il est beau, ce putain de silence, mais je le déteste ». Interrogation sans réponse, peut-être parce que le passé ne peut fournir qu’une expérience, mais pas d’explication.
Tout cela est porté d’un ton léger, l’humour – notamment à travers l’énumération des clichés concernant les Roumains – et la fête ou le pastiche n’étant jamais loin.
Le jeu et les effets de lumière sont heureusement combinés pour faire ressentir les différentes émotions. L’histoire du pays et de sa révolution sont revisitées d’une manière qui nous décentre. Le texte alterne dialogues, monologues et adresses aux absents muets. La mise en scène est onirique. L’arrivée d’un personnage, au moment où l’on a définitivement admis qu’il n’y a là que deux filles d’exilés qui règlent joyeusement leurs comptes avec le passé n’en est que plus surprenante, et amusante.
Pierre FRANÇOIS
« Nos pères ne rêvent plus en roumain », de la compagnie des mondes invisibles. Avec Lia Ionel, Wanda Efremov-Bobescu, Joan Brunet-Manquat. Mise en scène : Lia Ionel et Wanda Efremov-Bobescu. Collaboration artistique : Mathias Marques Peirera. Son et musique : Benoît de Galembert. Scénographie et costumes : Lia Ionel et Wanda Efremov-Bobescu. Durée : 1 h 10. Vendredi à 21 heures jusqu’au 7 juin au théâtre La Flèche, 77, rue de Charonne, 75011 Paris. Métro Charonne, Ledru-Rollin, Faidherbe-Chaligny. Tél. 01 40 09 70 40. Courriel : info@theatrelafleche.fr. Page web : https://theatrelafleche.fr/la-saison/nos-peres-ne-revent-plus-en-roumain/

Photo : Guillaume Plas.

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