Théâtre : Collaboration entre Port-au-Prince, à Haïti et Vire, en France.

Réalité haïtienne, solidarité normande.
« La petite fille que le soleil avait brûlée », d’Andrise Pierre et « La Dot de Sara », de Marie-Célie Agnant sont deux textes mis bout à bout et en espace par Gaëlle Bien-Aimé. Leur unité se situe dans le contexte haïtien. Tant la metteuse en scène que les autrices ont grandi dans ce pays. Quant aux histoires évoquées, elles se réfèrent aux coutumes locales.
Ce sont les élèves de Gaëlle Bien-Aimé – qui se trouve être la fondatrice et directrice d’Acte, la seule école d’art dramatique à débouché professionnel du pays – qui interprètent ces textes. Les propos, rudes et réalistes, sont rendus avec sensibilité. Le jeu, souvent chorégraphié, est expressif et sobre à la fois. La mise en scène est composée de tableaux brefs, qui mettent en place autant de cadres émotionnels. Les thèmes traités ont tous un rapport avec la femme, que ce soit dans son infantilisation, la tendresse qu’elles se manifestent réciproquement, la résistance aux hommes, la volatilité de ces derniers et, en regard, la détermination des femmes. On croit aux personnages malgré l’énonciation, de temps en temps, du rôle tenu par tel ou telle protagoniste.
Il est impossible d’évacuer une autre émotion face à ces jeunes comédiens et comédiennes. À quinze jours près, ils n’auraient pas pu venir en France dans le cadre de l’échange culturel mis en place par le CDN du Préau, à Vire, et ils sont désormais coincés sur notre territoire. Certes, on peut toujours arguer qu’ils bénéficient ici d’une meilleure sécurité qu’à Port-au-Prince, mais cela n’en fait pas moins des exilés.
L’échange culturel en question s’intitule plus précisément, ce qui est tout un programme : « projet d’insertion, de collaboration artistique et de solidarité ». L’implication des scènes normandes avec Haïti ne date pas d’hier, pas plus que l’accueil de réfugiés. On a ainsi pu voir « Opéra Poussière », prix RFI 2021 à Rouen et Caen, « Cathédrale des cochons » à Caen ou encore « Port-au-Prince et sa douce nuit », prix RFI 2022 à Rouen. Mais aussi « Kaboul le 15 août 2021 » avec des artistes afghans, tandis que c’est le CDN de Vire qui a monté « Danse macabre » avec les artistes du Dakh théâtre de Kiev. Pour ce dernier spectacle, qui a ensuite tourné dans tout notre continent, Vlad Troitskyi a reçu en 2022 le prix SACD du metteur en scène européen.
Le projet du Préau consiste à accueillir, pour compléter leur formation, cinq comédiens et comédiennes haïtiens. En retour, ces derniers nous font bénéficier de la langue française telle qu’elle est vécue sur place, tout en rendant compte des défis posés à leur pays.
Il y a là une initiative originale et créative, mais surtout doublement talentueuse. D’une part, du côté des élèves : on perçoit, y compris derrière les quelques imperfections du jeu, combien ils et elles possèdent tout en germe. D’autre part, on salue combien la direction des scènes de la région a le nez creux, à commencer par Lucie Berelowitsch au Préau, si l’on en juge par le nombre de récompenses raflées par les spectacles étrangers qui y ont été programmés.
Pierre FRANÇOIS
L’école d’art dramatique L’
Acte sera :
du 1er au 6 mai au Moulin de l’hydre, Simon Falguière, Normandie, représentation le 5 mai,
du 6 au 9 mai au CDN de Thionville,
les 10 et 11 mai pour des représentations aux théâtres de la ville du Luxembourg,
du 21 au 28 mai au festival A vif ! De Vire,
le 26 mai pour une lecture au musée de Vire à 15 heures,
du 21 au 28 mai au festival de création internationale émergente, Paris & Talent LAB Luxembourg,
du 3 au 14 juin aux Chantiers nomades – Mathilde Monnier – La Halle tropisme Montpellier,
le 8 juin représentation de la lecture au festival des Rencontres à l’échelle,
du 17 au 28 juin en stage avec la Cité théâtre.

Photo : Pierre François

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