Théâtre : « Parle, envole toi ou comment le théâtre m’a sauvé la vie ! », de et avec Bruno Abraham-Kremer au Lucernaire, à Paris,

Drôle, touchant, vrai.

« Parle, envole toi ou comment le théâtre m’a sauvé la vie ! », tel fut le conseil donné à celui qui allait devenir comédien. Ses ailes ? Les mots. Il a suivi le conseil et le public lui en sait gré. Pendant longtemps, il s’est caché derrière d’autres, soit en adaptant des biographies (par exemple, de Jankélévitch), soit en demandant à d’autres d’écrire à partir de ses sentiments (« M. Ibrahim et les fleurs du Coran » était une commande à partir de la relation qu’il eût avec son grand-père). Pourquoi ? Mystère. Toujours est-il que cette fois-ci, il franchit « une étape dans le déshabillage » puisqu’il parle de sa vie.

Si le Crif, citant La Croix, est dans la vérité quand il définit l’humour juif comme « une règle de survie », un acte « défensif », « grinçant » et « drôle » ayant la propriété d’être en même temps une « force consolatrice, résiliente et universelle », alors Bruno Abraham-Kremer doit en être intronisé grand maître.

En effet, la famille qu’il décrit n’a rien d’idyllique, au point qu’il prend son envol au plus vite. Mais, le croira-t-on, il parvient à entremêler gravité (avec notamment la notion de pardon en filigrane) et humour tout au long de ce récit qui prend souvent des accents d’épopée. Jeune adulte au tournant des années soixante, il décrit avec justesse, ironie et tendresse les mœurs de la génération Woodstock. Ainsi le spectacle alterne-t-il la description de parents de l’ancien monde et la façon dont il vit l’âge d’or de la période hippie dans un milieu artistique de gauche. Les plus anciens revivent une ambiance qu’ils ont connue.

Le jeu et le rythme sont complètement maîtrisés alors que, seul sur scène, il interprète tous les personnages. Le décor – un banc – est plus que sobre : dépouillé. Pourtant, à partir de ce rien et sous des lumières assorties à cette ascèse, il offre un spectacle d’une richesse artistique et intellectuelle remarquable.

Pierre FRANÇOIS

« Parle, envole toi (sic) ou comment le théâtre m’a sauvé la vie ! », de et avec Bruno Abraham-Kremer. Mise en scène : Corine Juresco et Bruno Abraham-Kremer. Collaboration artistique : Richard Copans. Scénographie et lumière : Arno Veyrat. Son : Jean-Baptiste Favory. Du mardi au samedi à 21 heures, dimanche à 17 h 30 jusqu’au 15 octobre au Lucernaire, 53, rue Notre-Dame-des-champs, 75006 Paris, métro Notre-Dame-des-champs, Edgard-Quinet, Montparnasse-Bienvenüe, Raspail. Tél. 01 45 44 57 34, https://www.lucernaire.fr/theatre/parle-envole-toi-ou-comment-le-theatre-a-change-ma-vie/

Photo : Pierre François, d’autres sur https://www.instagram.com/pierrefrancoisphoto/

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