Théâtre : « Les Hérétiques », de Mariette Navarro au théâtre de l’Aquarium à Paris puis en tournée.

Bon sens.
« Les Hérétiques », de Mariette Navarro est une pièce poétique, comique et forte sur un sujet sensible et d'actualité : l'affrontement du laïcisme et des intégrismes, chaque parti faisant preuve de la même intolérance.
Une femme se rend dans un lieu ressemblant à une école abandonnée, convoquée là par une mystérieuse correspondante virtuelle. Elle veut résister. Contre la violence de l'intolérance (« c'est à qui priera le plus fort », « on manque de m'éborgner avec un crucifix, on me parle d'Allah, on me parle de Jéhovah, on me parle de blasphème ») et pour sa liberté d'aller et de venir comme elle l'entend. 
Manque de chance, son interlocutrice est aussi fanatique que ceux qui l'ont violentée auparavant. Dans un autre genre : c'est l'esprit d'une sorcière – qui ne s'entend pas avec ses deux complices, évoquant ainsi la parole selon laquelle tout royaume divisé contre lui-même ne peut survivre – qui veut se venger des mauvais traitements dont elle a été victime dans le passé. Dans ce trio de paranoïaques qui rêvent de remplacer la vie spirituelle par un  néant démoniaque, l'une a été brûlée, l'autre lapidée, la troisième noyée, toujours pour des raisons religieuses.
La pauvre femme qui est arrivée là n'en demande pas tant, elle voudrait juste s'engager pour plus de tolérance et de respect de son libre arbitre, pour défendre « la liberté, pour protéger les plus faibles ».
Heureusement pour elle, une martyre arrive au milieu du procès qu'on est en train de lui faire. Dans une démarche inverse, elle lui propose la lumière, mais en la laissant libre d’adhérer ou non à son offre. Après avoir relativisé sa condition : aux sorcières qui l'accusent de ne pas être de leur parti, elle rétorque qu'après tout elle a « été persécutée comme hérétique. Comme elles. Pas moins qu'elles. » et que « sainte ou sorcière, c'est peut-être juste une question de chance, d'époque, de sens du vent. ».
On le sent bien, derrière une forme quasi clownesque par moments, il y a un véritable plaidoyer. Qui ne se contente pas de renvoyer dos à dos les différentes intolérances, mais offre une spiritualité de la tolérance. Certes, avec ses limites (« J'ai voulu être honnête avec mes propres doutes » confie la poétesse auteur), mais empreinte d'une vraie respiration, d'une ampleur inhabituelle. La partie sur la sainteté et la souffrance à laquelle elle mène, avec pour corollaire la lumière divine, est pleine de sensibilité et audible par tout un chacun, croyant ou non. S'il y a certes une ou deux longueurs, on ressort néanmoins de là époustouflé par un verbe qui mélange avec autant de bonheur les propos précis et les ouvertures à l'imaginaire (« Sur une échelle de un à dix, un étant l'eau et dix la pierre, en quelle matière est faite ta foi ? ».
Pierre FRANÇOIS 
« Les Hérétiques », de Mariette Navarro. Avec Stéphanie Schwartzbrod, Christine Guênon, Yvette Petit, Lymia Vitte, Andréa El Azan. Du mardi au samedi à 20 heures, dimanche à 16 heures au théâtre de L'Aquarium, Cartoucherie, route du champ de manœuvre, 75012 Paris jusqu'au 9 décembre (tél. 01 43 74 99 61, www.theatredelaquaruim.com).
En tournée du 5 au 8 février au Théâtre de Dijon Bourgogne (tél. 03 80 30 12 12), du 26 au 28 février à la Comédie de Béthune (tél. 03 21 63 29 19), le 26 mars au Théâtre Jean Lurcat d'Aubusson (tél. 05 55 83 09 09), le 16 avril à la Ferme de Bel Ebat à Guyancourt (tél. 01 30 48 33 44).

Photo : Pierre Francois.

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