S.d.f.
« Le Soliloque de Grimm » interroge. C’est fait pour. Et fait rire. C’est aussi fait pour. La pièce met en scène un comédien fini qui vit dans une tente Quechua, sur un terrain vague. Mais il ne faut pas se tromper d’interprétation : ce spectacle, malgré l’apparence, ne se veut pas documentaire. Il n’illustre pas mais médite sur la condition de sans domicile fixe. Qu’a perdu celui-là ? Qu’a-t-il trouvé ? Les réponses viennent peu à peu, sous forme de formules bien senties : « nul n’est à l’abri de vivre sans amour, nul amour ne peut vivre sans abri », par exemple. Car, si certaines sont des traits sur la condition de miséreux (« Au départ, les tentes Quechua, c’est quand même prévu pour les mecs qui montent aux sommets, pas pour ceux qui touchent le fond ») en général, le personnage reste celui d’un ex-comédien qui s’imbibe désormais de mauvais alcool et de bonnes paroles dans un soliloque dont il est à la fois l’acteur et le spectateur.
On rit. Mais on est aussi mal à l’aise. Peut-on rire de tout ? se demande-t-on en sachant que la condition de cet homme peut devenir celle de tout un chacun en un bref délai par les temps qui courent. Un « vrai » sans domicile fixe a-t-il réellement abdiqué toute dignité ou bien ce que nous voyons est-elle une image d’Épinal ?
Les réponses à ces questions sont impossibles. Restent un jeu parfaitement crédible et des réflexions qui font mouche.
Pierre FRANÇOIS
« Le Soliloque de Grimm », de Bruno George. Avec Fred Saurel. Mise en scène : Jean-Philippe Azéma. Du jeudi au samedi à 21 h 30 jusqu’au 27 janvier au Théâtre Essaïon, 6, rue Pierre au lard, 75004 Paris, métro Hôtel-de-ville, Rambuteau, tél. 01 42 78 46 42, www.essaion.com.