Théâtre : « Légendes de la forêt viennoise » d’Ödön von Horvát en tournée en Normandie.

Cynique.
« Légendes de la forêt viennoise » d’Ödön von Horvát, créé en 1931, est une pièce qui dénonce. Qui dénonce une morale catholique qui demande des choses impossibles, voire contradictoires, comme de se repentir d’avoir donné la vie parce que la femme n’est pas mariée et d’avoir tenté d’avorter même si c’était sous la pression d’un père irresponsable. Qui dénonce les personnes qui préfèrent vivre en empruntant des valeurs laïques toutes faites (ici, le nazisme) plutôt que de juger et d’agir par elles-mêmes. Qui dénonce l’égoïsme forcené des uns autant que la faiblesse de caractère des autres.
On ne parlera pas du rythme de sénateur de ce spectacle (trois heures)…
Le texte est sobre, mais le jeu est bavard. Et distancié de telle sorte qu’il rend toute empathie impossible, quel que soit le personnage. Ceux des mères faibles mais aimantes ne peuvent au mieux que susciter la pitié tant on voit dès le départ que leur vie est vouée à un ratage perpétuel.
Les spectateurs qui aiment être dérangés ou contempler le cynisme du monde du fond de leur confort ou de leur insensibilité seront ravis. Ceux qui estiment avoir assez été éprouvés par la tragédie de la vie et qui cherchent à percevoir la réalité qui est dissimulée par le « réalisme » ambiant seront blessés. Car il est inutile de le nier : toutes les phrases qui sont prononcées par les comédiens, même les plus abjectes, ont été dites et le sont encore dans certains milieux. 
La vocation de l’artiste (qui, lui, a choisi son métier) est-elle de soulager son frère ou sa sœur en humanité qui arrive dans la salle de spectacle avec son fardeau de soucis non choisis tant sur le plan personnel que professionnel ou d’en remettre une couche ? N’y a-t-il pas d’autres moyens – intelligents et inventifs – de dénoncer qu’en plagiant servilement les attitudes condamnables ?
Pierre FRANÇOIS
« Légendes de la forêt viennoise » d’Ödön von Horvát. Avec Théo Costa-Marini, Laëtitia Botella, Dominique Parent, Sandy Ouvrier, Jean-Pascal Abribat, Maryse Ravera, Jade Collinet, Pierre Delmotte, Florent Houdu, Jean-François Levistre, Pauline Denize, Pablo Elcoq. Mise en scène : Yann Dacosta. Musique : Pablo Elcoq (d’après Johann Strauss II). Les 8 et 9 novembre au Trident de Cherbourg, le 15 à la scène nationale 61 d’Alençon, le 23 au DSN, le 28 au Centre dramatique national de Vire, le 7 décembre au Tangram (scène nationale d’Evreux) et les 12 et 13 décembre au Centre dramatique national de Caen.

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