Théâtre : « Oncle Vania », de Tchekov, à l’Essaïon à Paris.

Plus vrai que nature.
« Oncle Vania » à l’Essaïon est un très bon spectacle. Certes, des personnages ont disparu et les dialogues sont plus oraux, moins littéraires que ce dont on a l'habitude. Mais on y croit, et tout de suite ! Le personnage de Vania est tout simplement parfait de bout en bout, bougon, ironique et désabusé. Celui de Sonia est tout à fait juste dans son rôle de jeune femme fragile discrètement transie d'amour, il n'y a que dans les rares moments où elle doit se mettre en colère qu'on y croit un peu moins, tant on a du mal à imaginer qu'une créature aussi pure soit capable de violence, même verbale. Éléna est une femme plus mûre, donc plus complexe. Elle a gardé un peu de la superficialité de sa jeunesse en étant incapable de s'intéresser aux villageois et pourtant elle est devenue lucide sur elle-même comme sur ses proches, et elle voit en Sonia une fragilité à protéger, mais sans savoir comment. Le docteur est-il amoureux ou jouisseur ? On ne le sait pas, sans doute lui non plus. Sa passion pour la nature et son refus de tout attachement pourraient bien être plus le fruit d'une désillusion au sujet du genre humain que son caractère profond ; et il ne livrera pas son intime. Le professeur seul pâtit un peu de sa mise à l'écart, on n'a pas le temps de le cerner véritablement avant la scène de la réunion qu'il provoque, et encore se montre-t-il alors sous un jour si caricatural qu'on a du mal à penser qu'il ne soit que cet égoïsme affiché alors que la psychologie des autres est plus riche. Il n'empêche : cette pièce, qui a été distinguée par le coup de cœur du club de la presse au dernier festival d'Avignon, est à aller voir sans hésitation. Son style ramassé – une heure et quart seulement – lui permet de jouer le rôle de hors-d’œuvre du répertoire pour ceux auxquels ce dernier ferait peur. Tandis que ceux qui en sont familiers se délecteront à la découverte de ce texte revisité, certes, mais pas trahi pour autant.
Pierre FRANÇOIS
« Oncle Vania », de Tchekov. Avec Philippe Nicaud, Céline Spang, Fabrice Merlo, Marie Hasse, Bernard Starck. Mise en scène : Philippe Nicaud. Les jeudis à 19 h 30 et dimanche à 18 heures jusqu'au 19 mars à l'Essaïon, 6, rue Pierre au lard, 75004 Paris, métro Hôtel-de-ville ou Rambuteau, tél. 01 42 78 46 42, www.essaion.com

Photo : Pierre François.

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