Théâtre : « Espia a una mujer que se mata », de Daniel Veronèse au Théâtre de l’épée de bois, à Paris.

Vies essoufflées.
« Espia a una mujer que se mata » est le titre que Daniel Veronèse, adaptateur de pièces connues dans son pays, a donné à sa pièce. Sauf qu'en Argentine, tout le monde l'appelle « Oncle Vania », ce qui est incontestablement plus court et explicite. Elle est jouée – en français – au théâtre de l'épée de bois jusqu'au 23 novembre.
Mieux vaut ne pas arriver en retard : la pièce commence sur un rythme d'enfer dès le début (cela se calme ensuite) et il est bon de sentir dès le début les convictions et traits de caractère qui guident les uns et les autres. Le personnage toxique (le professeur) l'est bien, le positif (Sonia) est aussi bien campé. Entre ces deux extrêmes, chacun des autres tient exactement sa place. Cela donne une palette de jeux nuancée, des mouvements d'humeur variés, logiques et en évolution constante. Alors même que dans la forme on assiste à une pièce qui est marquée par toutes sortes de déplacements sans oublier de fréquents hommages à la déesse Vodka. De ce point de vue l'adaptation argentine traduit bien l'ambiance slave, aussi passionnée que désespérée. On comprend moins les emprunts aux « Bonnes » de Genêt. Certes, Vania est traité comme tel par le professeur, mais on a le sentiment d'un placage intellectuel plus que d'une réalité psychologique s'intégrant logiquement dans le déroulement de la pièce. Ceci étant, on ne fera de procès ni à l'auteur ni aux interprètes pour deux brèves séquences qui ne retirent rien à la pièce, même si elles n'y ajoutent pas grand-chose non plus.
Le metteur en scène parle, s'agissant du texte de Véronèse d'une « véritable déflagration » qui « laisse les chairs à vif », et il rend exactement cette ambiance, à commencer par le décor. Le personnage d'Elena est sans doute un de ceux qui – paradoxalement par sa discrétion même – rend le mieux compte de cette dévastation. Elle n'est plus en mesure de se battre, ou alors seulement pour l'essentiel et sans bruit superflu. Mais il est injuste de ne souligner le talent que d'une interprète : la force de cette équipe est d'être arrivée – mais on l'a déjà dit – à ce que chacun joue parfaitement sa partition. On pourrait aussi bien souligner le désespoir aveuglé du médecin, la colère de Vania qui met tant de temps à s'exprimer, le sentiment d'adoration autoritaire (très féminin ?) de la mère…
C'est vraiment une belle pièce.
Pierre FRANÇOIS
« Espia a una mujer que se mata », de Daniel Veronèse. Avec Martine Bertrand, Véro Dahuron, Marion Lubat, Alain D'Haeyer, François Frapier, David Jeanne-Comello, Philippe Mercier. Du lundi au mercredi à 20 heures jusqu'au 23 novembre au Théâtre de l'épée de bois, Cartoucherie, route du champ de manœuvre, tél. 01 48 08 39 74, www.epeedebois.com

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