Théâtre : Les Démineuses

DemineusesVisuel1©VincentMarit300« Les Démineuses » est une rareté : c’est un beau spectacle artistiquement parlant, alors que c’est dans le même temps un acte militant qui sert plusieurs causes.

Cinéaste franco-libanaise, Milka Assaf est une documentariste. Elle a obtenu le Grand prix du musée d’Art moderne de Paris en 1996 pour « Les Couleurs du silence ». En 2005 elle remportait le Prix du public et une Mention spéciale du jury au festival international du film d’archéologie de Nyon (Suisse) pour «  La Mémoire volée – Retour au Musée de Bagdad ». En 2009, elle partage deux mois durant le quotidien de femmes chargées de déminer le Sud-Liban, mais aucune chaîne ne veut de son travail (ne veut en fait entamer une polémique avec Israël dont l’armée a laissé deux millions de mines antipersonnelles derrière elle en se retirant du pays). Alors elle le transforme en pièce de théâtre. Une pièce qui montre comment ce métier permet aux femmes d’accéder à l’indépendance financière de façon honorable (les ONG rétribuant autant les femmes que les hommes), qui met en évidence la complexité d’un pays qui n’a pas de loi civile mais dix-huit lois religieuses différentes qui obligent un des futurs époux à se convertir pour éviter les conflits de régime juridique sauf à aller se marier civilement à l’étranger et se faire appliquer la loi étrangère. Une pièce qui, religieusement, se veut agnostique tout en étant plus proche d’un anticléricalisme ouvert à l’infini que d’une attitude d’ignorance résignée ; et qui dénonce de façon argumentée et sans faiblesse les incohérences de l’Islam par rapport au Coran. Qui enfin, humainement, montre comment par évolutions successives, on peut arriver à s’accepter les uns les autres dans nos différences.

DemineusesVisuel5©VincentMarit199X300Le tout est exprimé dans un style artistiquement crédible et efficace : on se prend rapidement de sympathie pour ces femmes et leur courage. On apprécie la façon tantôt chorégraphiée tantôt réaliste du jeu. On entre dans la dimension poétique de la scène qui s’ouvre à un infini tout en disant refuser les coutumes rabaissant la femme. On est d’autant plus à l’écoute des messages transmis qu’ils le sont avec légèreté. C’est que cette pièce parle vrai : sur les six femmes représentées sur le plateau, seule deux sont de pures fictions. Libanaise parmi des libanaises, femme comme elles, confrontée à la mort à égalité avec elles, l’auteur et metteur en scène a eu tout le loisir de recueillir les sentiments profonds de celles dont elle a temporairement partagé la vie, même si, explique-t-elle, certaines restaient dans le déni. Cette pièce qui a déjà obtenu le prix Claude Santelli est, finalement, une leçon de vie qui aura l’impact qu’une autocensure a refusé au film.

Pierre François

« Les Démineuses », de et mis en scène par Milka Assaf. Avec Sabrina Aliane, Nawel Ben Kraiem, Marine Martin Ehlinger, Sophie Garmilla, Ibtissem Guerda, Taïdir Ouazine. Jusqu’au 24 novembre au Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, 75020 Paris, tél. : 01 43 66 01 13 ; M° : Ménilmontant. Photo : Vincent Marit

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